Stade Rennais Online - Le forum

Le forum des supporters du Stade Rennais

Vous n'êtes pas connecté.

#1 Re: Vie du club » Les médias » 24-03-2021 12:19:15

Salut les gars et les filles.

Je retrouve mes identifiants de connexion afin de vous faire part d'un article que j'ai écrit sur les Cahiers :
http://www.cahiersdufootball.net/articl … -plan-7458

J'espère qu'il vous plaira.
Bonne lecture.

A+

Kireg

#2 Re: Jour de match » Billetterie, abonnements et revente de places » 07-03-2019 00:17:49

Zou, place vendue.
Bon courage si vous cherchez encore.

#3 Re: Jour de match » Billetterie, abonnements et revente de places » 07-03-2019 00:00:44

Bonjour j'ai une place pour le match de demain en tribune Lorient rang 12.

Place plein tarif que je vends au prix d'achat (95 EUR).

Degoute par la gestion de la billetterie, je l'ai achetee dans l'optique de la vendre a qqn qui la meriterait.

Me contacter sur mon Twitter @Kireg_Norpe

ALLEZ RENNES BORDEL

#4 Re: Transferts » [Arrivée] Ismaïla Sarr [Officiel] » 26-07-2017 10:56:56

Si la venue d'Ismaïla Sarr se confirme, il sera surtout intéressant de voir quel chemin prendra Le Destin ® pour que tout finisse par merder :

1- potentiel non confirmé
2- blessure grave
3- pas aligné par tonton grognon
4- mal utilisé ou mal positionné
5- apocalypse / WWIII / invasion de sauterelles

Je lis beaucoup de messages optimistes ici-bas; et ça fait du bien.
Mais quand on va se prendre un truc moisi sur le coin de la tronche - car on sait TOUS que ça finira par arriver - faudra pas venir joueur les pucelles effarouchées.

Mais quand même, ce petit Sarr, ce serait cool !

#5 Re: Jour de match » [35e journée] Stade Rennais FC - AS Monaco » 24-04-2016 08:52:21

RENNES – MONACO

Ibi Deficit Orbis – Season Final – La Fin Des Faims



The Walking Red


Le monde est resté le même. Dramatiquement. Et c'est peut-être le plus difficile à appréhender, à accepter. Cette sidérante continuité de la nature, la violence de cette indifférence, ce sentiment que la partie continue, mais que les règles vous condamnent désormais à un échec programmé. Une implacable défaite à venir.

Et puis cette autre impression, fugace et pourtant lancinante de ne plus s'appartenir, de ne plus être.

Un retour à l'animalité.

La détresse comme moteur.

Les chênes dressent leurs branches affûtées vers un ciel laiteux lacéré de nuages bas. Comme avant. Mais cette mort n'est qu'une farce. Derrière le masque froid de l'écorce pulse une sève riche, reposée, prête à ressusciter ces milliers de carcasses ligneuses. C'est une escouade de comédiens immobiles qui se tient là, attendant son heure, prête, malgré son air impavide, à accueillir le jour d'un nouveau drame.

Ailleurs, quelque part, un soleil blanc, timide, presque honteux de ce qui se passe ici, nimbe la forêt d'une lumière blafarde.

Je suis là, échoué au milieu des troncs, des tiges et des rameaux, dans une forêt que je devrais connaître, mais qui ne m'évoque rien. J'ai depuis longtemps perdu mes derniers repères. Je pense avoir une vague idée de l'endroit, mais personne n'étant formel, nous ne sommes tout simplement nulle part.

Je me tiens accroupi autour d'un feu matinal. Le bois est humide et crache une fumée lourde dans laquelle disparaissent mes doigts griffés, mes ongles sales. Les mains et les cheveux, voilà ce qui change le plus vite et trahit d'emblée notre passage dans l'ère d'après. Ça joue des épaules autour du foyer. Avoir froid, c'est tomber malade. Tomber malade, c'est devenir lent. Devenir lent, c'est mourir.

Depuis la semaine dernière, nous ne sommes plus que sept. Sept âmes unies dans leur isolement. Je ne les regarde jamais dans les yeux. Je ne connais d'eux que leur silhouette, la façon dont leur ombre se meut sur les tapis d'aiguilles, leur démarche, le son de leur respiration, leurs grognements. Leurs limites aussi. Leurs faiblesses.

Nous évoluons telle une horde. Nous sommes une horde. Une dynamique de groupe s'est vite instaurée, tacitement, implicitement. L'équilibre est précaire, la tension palpable, mais chacun sait ce qu'il a à perdre à se faire exclure. Trentenaire, mâle, capable de trouver de quoi subsister et disposant d'un stock de vivres et d'une poignée de briquets qui ne quittent jamais mon sac à dos, je suis le plus résistant à l'effort. Pas le plus vif, ni le plus fort, et malheureusement pas le plus débrouillard. Pas encore. J'apprends. Vite. C'est ce qui me sauvera.

Je sers parfois d'éclaireur, avec Max le Fou, un gamin rapide comme le vent. Quand le brouillard reste collé au sol, nous traçons la voie, dans un silence vital, les lames sorties, nos souffles en harmonie, piètres funambules au-dessus d'un abîme invisible. Je fais partie de ceux convaincus que nous devrions gagner une ville pour trouver une armurerie. Le jour viendra où ils me coûteront plus qu'ils ne me rapporteront. Je les quitterai sans remords. Assez incroyable le temps qu'il a fallu pour abandonner tout trace d'empathie. La société dissoute, la menace prégnante, les animaux dressés se rappellent à leur instinct.

C'est un retour immédiat aux besoins. Une quête primale sans finalité et d'une constance sans cesse renouvelée. Ne pas mourir. Ceux qui ont fait preuve de patience, ceux qui ont hésité une seconde de trop, ceux qui ont fait le mauvais pari sont déjà morts et grossissent les rangs.

Jour après jour, nous avançons – il faut nous en convaincre – comme les pions d'un échiquier. Nous mettons un pied après l'autre dans la trame nue de ce qui fut notre monde, fuyant les villes, évitant les routes. Les rochers sont toujours des rochers. Ils sont désormais des pointes dans le dos quand nous nous couchons terrassés par la fatigue, et des armes de poing pour fracasser des crânes. La pluie n'est plus une raison pour rester abrité, c'est une menace mortelle.

CreepyForest.jpg


— On repart, on y voit assez, dis-je à l'attention des autres.

Il y a quelques jours, La Grogne m'aurait répondu avec son traditionnel « un autre jour au paradis ». Mais elle reste désormais prostrée dans le mutisme. Elle sera la prochaine à partir. Voir sa fille se faire dévorer sous ses yeux, l'a ébranlée. Le destin va se glisser dans la fêlure.

— Rahan, tu récupères les tisons et le bois qui peut encore brûler. Quechua, tu gardes ton arc sur toi, une flèche armée pour la première heure. La visibilité est pourrie. On ne parle que pour une urgence. En route !

La marche reprend son cours. Dans mon esprit défilent des informations incongrues, le cycle de la glycolyse, la démonstration mathématique du discriminant, la liste des États-Unis (j'oublie toujours le Delaware). Des textes de chansons, aussi, parfois :


We are going nowhere fast
Are we made of glass?
No one knows, no one knows

Play out at the highest level
Something never sung before
Stalk by, human interaction
Keep them in their corners


Tout ce qui peut constituer une marotte et faire travailler mes neurones est bon à prendre. Les livres me manquent. Les gens que nous avons aimés n'ont jamais existé.

Bercé par cette ignoble routine, je me remémore l'origine de tout.


C'était un samedi. Mais n'en déplaise à l'expression consacrée, c'était loin d'être un samedi comme les autres. Le Stade Rennais jouait le dernier match de sa saison à domicile, au Roazhon Park, face à Nancy. Je me plais parfois à en rire : le dernier truc que j'ai vu est une équipe coaché par Pablo Correa : un réel avant-goût de l'enfer.

ligue-europa-des-places-gagner-pour-le-match-rennes-atletico-madrid.jpg?itok=Pw8W_FoO

Une victoire et nous assurions notre qualification pour la Ligue des Champions. Inutile de le préciser : une grande première pour le club. Le score était de deux à zéro, les arrêts de jeu bien entamés. Le public chantait, les gens se prenaient par les épaules, tout sourire, fraternels. La pelouse émeraude, la torpeur d'un été précoce, le sentiment de vaincre le signe indien, tout était réuni pour enfin jouir d'un plaisir décuplé par une trop longue attente. Tout était réuni pour vaincre la malédiction. Tout était réuni pour…

L'apocalypse.

Sisyphe est-il censé caler son rocher au sommet de la colline ? Que se passerait-il si le coyote attrapait enfin Bip Bip ? Quelles seraient les conséquences de la découverte du pied d'un arc-en-ciel ?

Je suis debout sur mon siège en tribune latérale, le polyester de mon maillot rouge et noir chiffonné entre les poings. Je veux que cet instant dure à jamais. On a baisé le destin, craché sur la fatalité. Je ne sais pas quelle force nous a contraints pendant des décennies, mais elle est aujourd'hui surpassée. Vaincue !

Il ne reste que quelques secondes à jouer quand un supporter à moitié nu rentre sur le terrain en traînant la jambe. Le public l'applaudit, enivré de bonheur, grisé par le triomphe qui s'annonce. L'arbitre, lui aussi contaminé par l'esprit de fête, vient gentiment à la rencontre du streaker pour le reconduire sur la touche.

Mais le boiteux se jette sur lui et l'homme en noir tombe en arrière. Quand il veut se relever, l'autre lui plaque les mains sur les épaules et lui arrache la carotide avec les dents.

L'an zéro s'ouvre dans un silence de cathédrale.

Ce qui s'est passé ensuite, je n'en ai pas la moindre idée. Dans le mouvement de foule, on m'a piétiné et j'ai fini par m'évanouir. Je pense m'être réveillé le lendemain, dans le bar-lounge du stade, là où les supporters VIP regardent le match sur un écran qui surplombe le terrain. Je ne sais toujours pas comment j'ai atterri dans cette partie des tribunes.

— Marcheurs !

C'est Max qui me tire de ma rêverie. Putain ! Je me suis encore fait surprendre. J'ai besoin de beaucoup de sommeil, c'est ma plus grande vulnérabilité. Si je ne dors pas sept heures, je deviens mou, bon à rien. Dangereux. Il faut absolument que je trouve une parade à cette tare ou j'en mourrai.

Tout va très vite ; nous sommes « rôdés contre les rôdeurs » comme on aime le répéter quand la tension s'allège suffisamment pour faire preuve d'humour. Nous stoppons notre progression et nous écartons les uns des autres en arc de cercle, les plus centraux demeurant en arrière.

— Trois, murmure Max, en appuyant son propos d'autant de doigts dressés à notre attention.

Effectivement, je les vois ces formes longilignes qui avancent par à-coups, ces corps qui n'en sont plus, saccadés, agités par autre chose que la vie. Les voir, là, racler le sol de leur jambes raides, est une insulte – une de plus – à mon intelligence. Comment peuvent-ils seulement exister ? Ils se décomposent, ils meurent encore et encore, fondent sous la putréfaction, dégoulinent sous la nécrose, mais ils gardent une motivation sans conscience qui les pousse à chasser la moindre parcelle de chair non corrompue. Le sang pulse-t-il dans leur veine ? Je ne crois pas. Pour autant, il ne coagule pas. L'actine et la myosine coulissent-elles encore sous leurs muscles ? Leurs synapses sont-elles toujours actives ? Et leur cerveau, comment réagit-il à la privation en glucose ? En dioxygène ? Il n'est pas totalement inactif puisqu'il suffit d'y planter une lame pour les « tuer ».

On ne peut pas étouffer ces monstres. Leur cœur ne bat plus. Et alors, comment est alimenté le moteur de ces foutus éboueurs de l'humanité ?

C'est un tel non-sens que je me convaincs parfois de vivre un cauchemar ultra évolué. J'attends juste l'arrivée des Aliens pour définitivement péter un plomb.

Les rôdeurs qui nous font face aujourd'hui portent des vêtements étonnamment préservés eu égard aux outrages de leur condition. Ne seraient les lambeaux verdâtres de leur visage, leurs gencives à nu, les fragments osseux que l'on devine aux endroits où la peau n'est plus, ou encore leurs sclérotiques jaunes striées de veinules, rien ne les distingueraient des vagabonds du monde d'avant. Ça, et bien sûr leurs grognements incessants, ainsi qu'une certaine tendance à l'anthropophagie…



Délaissant toutes les règles de combats que nous essayons de mettre en place, Max les attaque sans attendre notre mise en formation. En un instant deux rôdeurs sont neutralisés, la boîte crânienne en purée, mais alors que le combat semble terminé, le garçon glisse sur une branche humide et se fait salement mordre au bras. Il parvient néanmoins à fouiller une poche de son treillis et à ficher un tournevis rouillé dans la tempe du dernier marcheur.

— Ça te fera les pieds, tonne Rahan, d'un air mauvais.

Ce genre d'incident, chez une personne normale, c'est l'infection, la mort, et le retournement en moins de deux jours. Oui, mais voilà, nous ne sommes pas des personnes normales.

Lors des premiers jours de la fuite, dans le chaos des incendies et des rapts, nous n'y avons pas prêté attention. En périphérie des villes, nous fûmes attaqués à de nombreuses reprises, harcelés par les hommes d'abord, et les rôdeurs ensuite. À mesure que notre horde se modelait selon une « sélection surnaturelle » de ses membres, les divers témoignages se firent concordants : la moindre morsure de marcheur et l'on devenait l'un d'eux.

Terrifiant de simplicité, mais pas tout à fait vrai.

Quand notre groupe élargi subit ses premières plaies, force fut de constater que certains s'en tiraient indemnes ou avec une simple fièvre, quand d'autres subissaient la transformation en quelques heures. Le cas se présenta à de nombreuses reprises, suffisant pour élaborer un semblant de science expérimentale.

J'interrogeai alors les proches des disparus ainsi que les survivants des attaques, qu'ils soient asymptomatiques ou miraculés. De prime abord, rien se semblait expliquer pourquoi certains s'en tiraient à bon compte quand d'autre pourrissaient immédiatement sur pieds après une morsure. Un comportement stochastique ? Des anticorps d'une vaccination passée ? Un allèle protecteur ? Aucune idée. Je séchai.

Detecting-HIV-Diagnostic-Antibodies-with-DNA-Nanomachines.jpg



C'est une discussion anodine qui m'apporta la solution.

Assis en cercle, dos au feu de camp, nous devisions sans nous regarder, sur la vie d'avant, scrutant dans frondaisons obscures le moindre mouvement suspect.

— C'est con, mais le foot me manque, avait dit quelqu'un. Surtout le Stade Rennais…

Comme un soupçon d'abord, puis un doute qui s'instille. Et enfin l'étincelle :

— Moi aussi, merde. Abonné pendant quinze ans, avait répondu une ombre à ma gauche, le bras bandé dans une gaze.

Ce n'était donc pas le groupe sanguin, ou bien encore les conséquences imprévisibles d'un traitement médical oublié qui pouvait expliquer notre immunité. Non. La clé était aussi inattendue qu'insoupçonnée. Notre condition de supporter Rouge et Noir, avoir subi les pires désillusions et les plus cruels des déboires depuis tant d'années : voilà ce qui nous rendait résistants.

Dès lors, nous devinrent « les Mordus du Stade Rennais ».

Nous sommes la dernière horde.
Nous sommes les Walking Red.

Sans un titre.
Nous assisterons à la fin du monde.

C'est notre bénédiction.
C'est notre malédiction.

--------------------------------------------------------------


Et puisque morts ou vivants, il faudra bien tenir jusqu'au bout, voici quelques commentaires princiers sur notre adversaire du jour : l'AS Monaco qui, à l'instar de tous les branleurs de cet univers, ne nous fit jamais autant rêver que lorsqu'il se la joua Pršo.


- Nos terribles adversaires – deuxièmes de Ligue 1, rappelons-le – vivent sur Le Rocher, en bord de mer, et deviennent tout rouges quand ils sont cuits (surtout Toulalan). Comme des moules marinières, quoi.

- Qu'on se le dise : je n'ai jamais eu peur d'une moule, et ça va pas commencer aujourd'hui ! Et pourtant j'ai côtoyé des étudiantes en arts du spectacle de Rennes 2 ! (désolé).

- Avec ces échappés du Rocher, doit-on pour autant s'attendre à un match (Edmond) dantesque ?

- Ah bah oui, c'est comme ça : une vanne graveleuse / une vanne littéraire.

- Après un passage mitigé comme coach de Braga, les dirigeants portugais avaient invité Leo Jardim à aller « se faire foutre chez les Grecs ». Banco. L'année suivante, le type couche avec la femme du président de l'Olympiakos.

- Y'a des gens comme ça. Tu leur dis un truc, bam, ils le font. Et puis t'en a d'autres, ils te disent un truc, tu peux être certain qu'ils ont fait exactement l'inverse. Coucou René, la forme ? Ça avance le dossier Christian Gourcuff ?

- Rolland Courbis va donc jouer contre Monaco, ville d'origine de la station RMC, son autre employeur. C'est un peu comme si on faisait jouer Sylvain Armand contre l'équipe corpo d'Audika.

- De toute façon, on craint rien, en ce moment, le Stade Rennais, c'est le Brésil. Ah si, deux fois 0-3 en deux semaines, c'est le Brésil. De 1998. Vivement celui de 2014.

- Bon, sinon, j'aime bien voir des augures dans les évènements du quotidien. Cette semaine, la Rennes mère a fêté quatre-vingt-dix berges, tandis que le Prince qui a longtemps Reinier sur la pop est mort.

- Après… Ce que ça veut dire… Je laisse ça à votre interprétation.


Allez, c'est tout pour moi.
Et rappelez-vous, il existe des gens – vivants – qui ont connu des victoires du Stade Rennais en coupe de France. Certes, leurs enfants jouent dans une équipe corpo qui va affronter Sylvain Armand. Mais quand même ! Ils existent !


Vive la vie.
Vive les cerisiers en fleur.
Vive les Cahiers du Foot.



Bon, les petits potes, ce billet sera le dernier.
La chronique se veut centrée sur le Stade Rennais, il est normal qu'elle n'aille pas au bout. Voilà plusieurs mois que je m'amuse à écrire ces textes sans queue ni tête sur un club de foot qui, décidément, a pris une place bien trop important dans mon esprit. On ne choisit pas. Le délire a commencé par hasard, début novembre, pour un Angers – Rennes des plus normaux, et l'exercice a continué de lui-même, à mesure que je réfléchissais aux prochaines conneries que je pourrais bien raconter. J'ai reçu, en réponse à ces vingt-et-une publications, des dizaines de commentaires bienveillants de cédéfistes, de SROistes, et d'anonymes d'Internet. Ces messages m'ont encouragé à continuer. De mémoire, il n'est pas un texte que je n'ai pas hésité à proposer, tant il me semblait que le truc était, sinon mauvais, pour le moins franchement bof.
Bref. Merci.

Allez Rennes.

Love.

K.

#6 Re: Jour de match » [33e journée] OGC Nice 3-0 Stade Rennais FC » 10-04-2016 09:25:30

NICE – RENNES

Justicia Omnibus – Arrêts Sur La Ligne – And Justice For All



Previously on the « Stade Rennais Show » :


Les Lumières, Les Droits de l'Homme, Emile Zola, Le Brillat-Savarin à la truffe, Maître Gims : notre fière nation rayonne, irradie le monde de son faisceau tricolore. Nous sommes un phare dans l'océan démonté de l'obscurantisme. Nous sommes la littérature, nous sommes la gastronomie, nous sommes les grèves et la « tradition pas trop cuite s'il vous plaît », nous sommes l'école gratuite et le petit blanc en terrasse. Nous sommes… LA FRANCE !

(À ce moment du texte, libre à vous d'entonner une Marseillaise.)

De retour au pays le temps d'une semaine de congés, je profite d'un après-midi ensoleillé pour remplir une mission qui me tenait à cœur depuis un certain temps. Après quelques minutes de bus dans le centre-ville de Rennes, j'aperçois, derrière un alignement de platanes pollués, le drapeau qui marque ma destination finale. Ce n'est plus un simple rectangle de tissu qui est battu par le vent d'ouest, mais bel et bien le symbole de la culture et du savoir français, le bleu-blanc-rouge des pères de nos pères. Oublié tout en haut d'un poteau rouillé, l'étendard marque l'entrée d'un haut bâtiment sis au 22 du Boulevard de la Tour d'Auvergne. En ces lieux réside ce que notre belle République a enfanté de meilleur. Une fierté. Une élite.

Un commissariat de police.

Enfin… une élite, si on s'étalonne sur « Les Anges de la téléréalité ». Sinon, on est aussi éloigné du gratin intellectuel que la FIFA de la probité (ou que le FCN des places pour l'Europe, mais on va dire que je m'acharne).

La double porte de verre coulisse tandis que je me présente à l'accueil. Vu l'état d'énervement de la vingtaine de pelés qui attendent leur tour, le planton doit être parti remplir les cases d'une grille de mot-fléchés avec les chiffres de un à neuf. Je l'imagine, assis sur le trône, son cahier de jeux posé sur les genoux, en train de se gratter la tempe avec le canon de son Sig-Sauer.

J'avance jusqu'à l'espèce de bar qui sert de guichet, me penche par-dessus, jette un coup d'œil à droite et à gauche pour débusquer un flicaillon qui serait en train de pioncer : personne. Je me retourne donc vers le panel de concitoyens m'ayant précédé et repère une fausse blonde en micro-jupe-résilles peinturlurée comme un Jackson Pollock :

— Ça fait longtemps que vous attendez ? fais-je, en désignant la file d'attente.

Elle roule des mâchoires comme si elle mastiquait un morceau de pneu :

— Que j'attends quoi, mon mignon ? Le grand amour ?

Elle se fend alors du genre de rires qui résonnent uniquement dans les cabinets de cancérologie.

— Que vous attendez pour qu'on prenne votre plainte… rétorqué-je, indifférent au sarcasme.
— Pfiouuuu, mais je suis arrivée hier mon chou.

Au même moment, plusieurs soûlards complètement avachis sur leur siège, entament un chant polyphonique proposant à la maréchaussée de s'initier au sexe anal. Pas vraiment fan de la performance et ne sachant pas si Courtney Love vient de se payer ma tronche, je décide de jouer ma botte secrète pour accélérer les choses. De ma plus belle voix de stentor je déclame très distinctement :

— Je suis un supporteur de football Ultra et j'ai un fumi dans mon slip.

Dans la seconde, un képi surgit de derrière le guichet et braque un flashball rutilant sur mon œil gauche :

— Bouge pas salopard de hooligan ou je te fais sauter le caisson ! braille-t-il. Je te laisserai pas faire régner la violence entre ces murs sale anarchiste satanique mangeur d'enfants ! Raclure de casseur, destructeur, violeur, assassin ! Margoulin ! Vidangeur ! Torréfacteur !

1.jpg
« Chef, chef, je vois rien dans mes jumelles. — Vous le tenez à l'envers Berthier... »


Les bras en l'air, je poursuis avec calme :

— Excusez-moi monsieur…
— Lieutenant !
— Excusez-moi lieutenant, pourrais-je m'expliquer ?

Mouvement d'épaules. La pétoire « non létale » est toujours pointée sur moi :

— Tu veux quoi ?
— Je souhaiterais déposer une plainte. Par ailleurs, je ne suis pas un Ultra, juste un supporteur lambda.
— Pourquoi tu me causes de danse maintenant ?
— Pardon ?
— Les « supporteur lambda », c'est bien un machin de danse latino ? Le truc avec les robes qui tournent, là…
— Euh… non. Ça, c'est la « Lambada ».
— Woh ! Cherche pas à m'embrouiller sale criminel ! Psychopathe ! Ragondin ! Palimpseste ! gueule-t-il encore, en approchant son arme de mon visage.

Derrière nous, les chanteurs a capella invitent désormais les forces de l'ordre à découvrir l'anatomie intime des poneys à l'aide de leur bouche. J'ai l'impression de zapper très vite entre le porno de Canal+ et The Voice.

— Je suis un fan comme un autre, pas un Ultra quoi, précisé-je, craignant que son index n'enfonce la gâchette
— Prouve-le moi ! éructe alors le Columbo du pauvre, victime d'une illumination soudaine.
— Moi je veux bien, mais comment ?
— Hum…
— Je sais, proposé-je. Si je suis un Ultra, je chante forcément pendant quatre-vingt-dix minutes, correct ?
— Ouais…
— Et si je chante autant, j'ai mal à la gorge, c'est inévitable ?
— Oui…
— Et qui d'autre a mal à la gorge ?

Mon lieutenant plisse les yeux :

— Euh… Hum… Les fumeurs ?
— Exactement lieutenant ! Les fumeurs. Et comment reconnaît-on les fumeurs ?

Je sens bien que je lui en demande trop, et qu'il n'est pas loin de la rupture cérébrale. Je l'aide donc un peu :

— Leurs doigts sont…
— Euh… Jaunes ! Ils sont jaunes ! crie-t-il, tout fiérot.
— Vous êtes impressionnant lieutenant ; avec de telles aptitudes, vous allez devenir commandant en moins de deux. Regardez mes doigts, est-ce qu'ils sont jaunes ?

Le flic se penche vers mes paluches.

— Bah oui, ils le sont, me répond-il, complètement déboussolé.
— Mais est-ce que je porte une écharpe ?
— Bah non...
— Et donc ?
— …
— Et donc… si je n'ai pas d'écharpe, c'est que je n'ai pas mal à la gorge. Et donc… ?
— Et... euh... vous ne… chantez pas… et… euh… vous… Oh ! Je sais ! Pas mal à la gorge, vous n'êtes donc pas un Ultra ! hurle-t-il, touché par la grâce.

Monty-Python-and-the-Holy-Grail-19751.jpg
« Si elle pèse le même poids qu'un canard, c'est qu'elle est supportrice Ultra. Qu'on la brûle ! »


Il pose immédiatement le flashball sur le comptoir.

— Veuillez m'excuser pour la confusion cher monsieur. On voit tellement d'horreurs à propos des Ultras dans les journaux, une méprise est vite arrivée.
— Pas de souci. Et pour ma plainte ?
— Oh, oui, pardon. Vous voulez porter plainte contre qui au juste ?
— Contre le Stade Rennais, fais-je tout sourire.
— OK… Et pour quel motif ?
— Harcèlement moral, quoi d'autre…

Il passe les doigts sur sa moustache naissante :

— Je vois. Vous êtes au moins le dixième cette semaine. On va enregistrer une main courante. Vous voyez cet énorme cahier, il est dédié au Stade Rennais. C'est celui du mois d'avril. Inscrivez-y votre doléance et on fera suivre.

Le flic me tend un stylo bille. Je m'empare du dossier et, de ma plus belle plume, commence ma rédaction :


Date : 8 avril 2016
Plaignant : Kireg
Motif : Stade Rennais Football Club 1901

Texte libre pour la plainte :

Par une sombre journée de l'automne 1989, (Quoi ? C'est marqué « texte libre », j'en profite, j'aime bien écrire !) Je disais donc : Par une sombre journée de l'automne 1989, un homme prit une décision qui allait infléchir le cours de mon existence à tout jamais. Cet homme – ce misérable fou, devrais-je plutôt dire – c'était le patron de mon père. En refusant d'accorder à mon géniteur une augmentation de 500 francs que je savais pourtant fort méritée, celui-ci poussa son dévoué employé à quitter la Normandie afin de trouver une nouvelle entreprise plus à même d'offrir des émoluments en accord avec des compétences de pointe.

C'est ainsi qu'à l'âge de cinq ans, je quittai les abords de Seine pour les rives tumultueuses de la Vilaine. Et c'est ainsi que, par la force des choses, je devins, moi le petit garçon destiné à supporter le Stade Malherbe de Caen ou le RC Léry, une victime collatérale d'une suite de décisions irréfléchies de la part d'adultes inconséquents. Par effet papillon, cette mutation paternelle à destination de la Bretagne, me conduira à suivre les Rouge et Noir.

Cet état de fait, a priori anodin, jalonnera une adolescence chaotique et une vie de jeune adulte tout aussi bordélique. Marqué du sceau de la « lose », le club maudit m'accompagnera dans de terribles chausse-trappes et épousera chacune de mes innombrables désillusions.

C'est pour tout ceci qu'aujourd'hui, je réclame justice.
Lisez plutôt :

Par le faute du Stade Rennais Football Club 1901, l'esprit accaparé par un match en cours qu'il m'était impossible de suivre en direct, j'ai répondu 97 fois « oui » à une question de mes différentes petites-amies sans avoir la moindre idée de ce qu'on venait de me demander. À cause de cela, je me suis successivement retrouvé :

-    Au premier rang d'un concert de Christophe Maé.
-    Invité à dîner chez des Sarkozystes, et condamné à ravaler mes sarcasmes n'ayant pas encore conclu (J'ai réussi ; je crois sincèrement que c'est la plus grande réussite de ma vie).
-    À faire une initiation au macramé. Oui !
-    À boire un grand verre de jus de pamplemousse (je déteste le foutu pamplemousse !)
-    À prendre des cours de danse Rock'n Roll tous les mercredis pendant un an (Mais en fait, ça c'est cool pour draguer dans les mariages ; un peu moins aux enterrements, ou alors faut vraiment être très très bon).

Par la faute du Stade Rennais Football Club 1901, j'ai également perdu cinq années d'espérance de vie. C'est pas moi qui le dis, c'est Internet : http://tinyurl.com/zcjkudd. Et si c'est écrit sur Internet, c'est que c'est vrai. Ces cinq années j'aurais pu les passer à faire l'amour aux plus belles femmes du monde ou à perfectionner mon macramé. C'est bien simple, un Arles-Avignon-Rennes en 32ème de coupe de la Ligue m'a fait plus stresser que mon bac de français. Et le pire, c'est que ce n'est même pas une vanne !

Par la faute du Stade Rennais Football Club 1901, j'ai été flashé 37 fois sur la rocade et j'ai été verbalisé 13 fois pour mauvais stationnement (le terre-plein le long du stade, franchement, ça passe) pour un total de 2134 euros. Avec cet argent, j'aurais pu m'acheter un maillot réplica floqué à mon nom. Enfin presque, il m'aurait peut-être manqué deux ou trois cent euros. Je t'aime beaucoup mon Stade Rennais, mais tu te foutrais pas légèrement de nos tronches avec les tarifs de tes tuniques ?

Par la faute du Stade Rennais Football Club 1901, j'ai subi des quolibets, des moqueries et des humiliations que seule une inébranlable confiance en moi (et beaucoup de violence) a permis de contenir. Grâce à cela, et peut-être aussi grâce au pied de biche que je trimballe dans le coffre de la Kangoo, j'ai développé un sens de la répartie à faire pâlir de jalousie Bachar el-Assad.

Par la faute du Stade Rennais Football Club 1901, on m'a offert des pantoufles aux couleurs Rouge et Noir. Des pantoufles ! J'ai trente ans et je porte des pantoufles ! Et je passe sous silence les tasses à café, les tapis de souris, les serviettes de bain, les slips, les préservatifs aux couleurs rennaises. Je t'aime Stade Rennais, mais j'aime aussi ma dignité.

Enfin, par la faute du Stade Rennais Football Club 1901, j'ai dû subir une psychanalyse qui est par ailleurs toujours en cours. Je suis en effet victime de nombreuses séquelles au rang desquelles une aversion profonde pour le jaune, une sorte de syndrome Gilles de la Tourette à l'évocation du mot « Nantes » ou chacun de ses dérivatifs, et j'ai également des sorties incohérentes telles que « Eh, il est pas mal ce Georges Mandjeck » ou bien encore des « Je la sens bien, cette fois, la finale ». Vous faites chier ! Merde ! On veut un titre !

marianna+036.jpg
« C'est très gentil de votre part, ils ont l'air délicieux, vous pouvez vous les coller au fion. »


Pour ces quelques exemples choisis au hasard parmi tant d'autres, et – je pense – illustrant un indiscutable préjudice morale et physique, je réclame justice. J'attends donc que l'administration française reconnaisse les torts de l'institution Stade Rennais Football Club en m'attribuant un euro symbolique de dommages-intérêts ainsi qu'une victoire en coupe de France avant le 12 Novembre 2071, date estimée de mon décès.

Moyennement cordialement,

Kireg

--------------------------------------------------------------

Et puisqu'on m'est tombé sur le râble en début de semaine parce que je me moquais du Groh Zboub Ma Zadoù (hymne Breton exhumé d'on ne sait où pour satisfaire à la stratégie débilo-markéto-gwennhadienne du Stade Rennais), voici le « Ça va musseu les R'nés », hymne de patois gallonisant à la gloire des Rouge et Noir ; pays Gallo autrement plus en adéquation avec notre Histoire et notre héritage rennais que le Breton (vous pouvez m'insulter) :

On va-t-y pigneu ?
On va-t-y hucheu ?
P'têt ben qu'on est Bertons,
P'têt ben qu'on est Gallos
On n'est pas des bouenous,
On va pousseu, ça va musseu !
Allez les Rouge et Nér !

Et bien sûr, puisque s'amorce le sprint final, voici quelques bruits de couloir sur notre adversaire du soir : le Gym qui jouait dans le Ray ; un club, donc, qui a quelques problèmes avec le genre de ses articles définis.


- Onze Rouge et Noir dont une pépite au bagage technique hors-norme : vous êtes plutôt soirée Hatem ou soirée Ousmane ?

- Le fils de Rolland Courbis est-il l'agent des fils de Claude Puel ? #népotinception

- La spécialité locale est la « merda de can », littéralement « la merde de chien ». Amis Rennais, si vous faites le déplacement à Nice, je vous déconseille fortement les restaurants « gastro ».

- Christian Estrosi.

- La côte d'azur est le paradis des personnes âgées. Vraiment âgées, hein. Enfin, je veux dire plus âgées que Sylvain Armand quoi.

- C'est l'âge qu'on a dans la tête qui compte. Et de choisir quand on urine. Aussi. Un peu. Quand même.

- Leur vrai nom c'est « Olympique Gymnaste Club Nice Côte d'Azur ». On va quand même pas se faire taper par des mecs qui font de la GRS !

- J'imagine le délire si tous les clubs suivaient ce genre de dénomination. Nous, on serait le « Stade Rennais Football Et Aussi En Peu Volley Au Début Mais Plus Maintenant Club Rennes Ille et Vilaine ». Super pratique.


Allez, c'est tout pour moi.
Et rappelez-vous, la partie de palets, ça se joue arsouillé et en 12 points.

Vive la vie.
Vive les Monty Python.
Vive la cytométrie en flux.


Love.

K.


L'ensemble des chroniques (avec des images pour les enfants), c'est ici : https://alloroazhon.wordpress.com/

#7 Re: Jour de match » [32e journée] Stade Rennais FC 3 - 1 Stade de Reims » 02-04-2016 08:09:54

RENNES – REIMS


Semper Fidelis  – Used To It – Toujours Las

---

Noir (Jaune) Rouge

Il y a dix jours, dans un foutu paradoxe, des neuneus moyennement fans de Jésus et du latex ont bourré leurs valises de clous et de plastique pour massacrer des innocents. Dans leur logique de malades, cet acte de barbarie devait leur ouvrir les portes d'un paradis squatté par des dizaines de vierges lascives.

Hum…

En trente ans de débauche ici-bas, des vierges lascives, j'ai dû en rencontrer trois ; autant dire que vu la recrudescence des abrutis candidats à l'ascenseur céleste, il risque d'y avoir la queue pour en faire usage entre les cormorans et les 717. Par ailleurs, si ces cons errants sont cohérents, il leur sera impossible de forniquer tout leur saoul. Et ouais bande de glands, boire, c'est pas comme baiser, c'est péché.

Mais bon, les mecs étaient sûrement pas au courant. Ni au Coran, mais ça, on le savait déjà. Tu leur files un Super Picsou Géant, les types s'appuient dessus pour te justifier le génocide des éleveurs de faisans, l'éradication totale des porteurs de bretelles mauves, et l'érection au rang d'animal sacré du lycaon albinos.

« C'est pour Dieu ! » « Dieu est grand ! »

Certainement oui. Goldorak aussi. Mais pas autant que le Géant Vert. Et encore moins que les Transformers. Vous gueuleriez « Vive le Grand Teckel Eternel ! » que ça ferait le même effet.

Dieu est une invention.
On n'existe qu'à travers les autres.
Vous n'êtes rien.

-----------------------------------

Previously on the « Stade Rennais Show » :


L'endroit est plongé dans la pénombre. L'accueil est désert, tout juste des brochures et des dépliants cornés traînent-ils, oubliés, sur un alignement de tables en formica. Un distributeur de boissons instantanées ronronne dans un coin et éclaire un lino poussiéreux d'une lueur phosphorescente. Ça sent le tabac froid et le café premier prix. Il y a quelques remugles de sueur aussi. L'odeur se fait d'ailleurs plus forte quand je pénètre dans le hall principal, une vaste pièce circulaire, vide, aux murs lépreux.

Ils sont là, assis en cercle sur des chaises en ferraille. Une dizaine de zonards absorbés par le discours d'un grand type chauve qui ponctue ses phrases de mouvements de bras grandiloquents. Il porte un pull en laine à motif ; le genre de trucs qui faisait fureur dans les années quatre-vingts, dans les chalets d'altitude, et qui revient en force chez les hipsters. Le doute est permis, mais tandis que je m'assois à la dernière place vacante, je note le cordon effiloché qui pendouille de ses branches de lunettes, et le classe d'emblée dans la case « plouc ». Juger les gens au physique, c'est très mal, mais c'est très pratique ; un peu comme les sacs en plastique du supermarché. De près, je me fais la réflexion que le gourou ressemble à Pascal Obispo, en plus grand et en plus laid. Très laid, donc. Il s'évertue à calmer un ado rachitique à la peau grêlée dont les genoux s'agitent frénétiquement.

— Personne ne te juge Nicolas, venir ici, c'est déjà progresser. L'héroïne n'est pas une fatalité. Toi seul détiens la clé qui te permettra de te libérer. Tu es la clé !

Applaudissements spontanés des autres.

Ouais… Visiblement les mecs se contentent de peu. Je devrais les inviter au Roazhon Park, ce serait la folie en Mordelles bas. « Et but de Sylvain Armand ! Le Stade Rennais revient à 5 à 1 ! Il reste deux minutes à jouer » Boum : évanouissement collectif. Des paumés qui se pâment et tombent dans les pommes, ça sonne bien.

Mais alors que je repousse les limites connues de l'allitération, Raël, plutôt que de nous chanter « Lucie », se tourne vers moi et me demande avec une infinie obséquiosité : 

— Je vois que nous accueillons un nouvel ami parmi nous. Sois le bienvenu dans notre petite communauté. Hihihi. Je m'appelle Jérôme.

OK. Le mec me tutoie, déjà ça, ça me gave sévère. J'ai les jointures qui blanchissent et les os des mâchoires qui roulent. Mais l'autre ne me laisse pas le temps de souffler. Après un autre de ses petits rires exaspérants, il me dit :

— Nous sommes ravis de partager notre tolérance, nos expériences personnelles, notre histoire commune et, oserais-je le dire, notre amour.

Bordel, où est la caméra ? On se croirait dans une pub pour un fonds d'investissement. Tu donnes un peu de mou à un mec comme ça, il t'invente le concept de « moment Nutella », de « croissance négative », ou de « farandole de métastases ». Une compétence pareille, par les temps qui courent, c'est minimum 100K euros. C'est p'têtre un hipster après-tout. Mettre les gens dans des cases, c'est comme les sacs plastique, parfois on se troue.

— Mais je parle, je parle, quel est ton nom mon ami ? me demande le hipster-sac plastique.
— Hein ? Euh… Kireg. Je m'appelle Kireg.

« Bonjouuuuuuuuur Kireeeeeeeg ! »

— C'est ça ouais, salut les cons.
— Pardon, tu disais ? N'hésite pas à parler bien fort que tous nos camarades puissent profiter de ton flux.

Profiter de mon « flux » ? Ah ouais. Quand même. 200K euros. Facile.
Devant mon silence, il insiste :

— Souhaites-tu nous faire part de ce qui t'amène ici Kireg ?
— Bah tant qu'à faire, hein, on va se lancer. Z'aviez pas prévu de faire de galettes complètes de toute façon ?
— …
— …
— Non. Effectivement. Ce n'était pas prévu.

ph
« Bonjour, je m'appelle Philippe et c'est mon troisième mois sans Stade Rennais. »


Je prends une profonde inspiration. Il faut que je me calme. Je sens bien que je pars un peu vite. Pas aussi vite que la Brigade Loire, mais pas loin.

— Bah voilà, mon problème à moi, c'est le football. Je supporte – et croyez-moi le mot prend tout son sens dans ce contexte – une équipe qui se vautre systématiquement au moment de grimper la dernière marche. Et que je te balance un match capital pour l'Europe, et que je vais perdre à Balazé en trente-deuxième de finale de coupe, et que je refuse de jouer la finale quand par miracle j'y accède.
— Mais c'est le sport ça, commente, fort à propos, un gros homme à ma gauche.
— Attention Maurice ! le reprend immédiatement Jérôme, on ne juge pas.

« Tu es la cléééé, on ne juuuuuuge pas » reprennent les autres à l'unisson.

— Maurice a raison, dis-je, en me tournant vers lui. C'est du sport, peur eux comme pour nous. Du sport extrême. D'ailleurs, si tu veux t'abonner, il faut désormais un certificat médical. Ils ont eu trop de problèmes avec des gens qui claquaient en tribunes, alors maintenant ils se couvrent, tu penses. « Tu peux pas faire dix génuflexions pépé ? Et bah, t'es gentil, tu fais comme les autres, tu t'abonnes à BeIN. »

Je secoue une main vers le plafond en signe d'impuissance. Le gourou acquiesce d'un air pénétré.

— Et pourquoi cherches-tu notre conseil Kireg. Rappelle-toi : on ne te juge pas.

C'est gentil de prévenir. Ils m'ont pris pour René Ruello ou quoi ? J'ai la mémoire qui va au-delà des cinq secondes, merci. J'embrasse l'assemblée du regard :

— Honnêtement, les gars… Désolé madame, précisé-je, à destination de la seule femme assise avec nous, j'ai…
— Eh ! Je suis pas une femme, espèce de con, j'ai juste un catogan.
— Ah ?! Bah vous devriez le couper, le raser, le brûler, comme vous voulez, mais faut pas porter ça en 2016 mada… monsieur !
— Connard ! marmonne-t-elle/il.
— Attention, j'en entends qui jugent, prévient le G.O. On ne juge pas.

dr
« Le boulot de sagouin. On dirait Giovanni face au but. »

Je continue :

— Bref. Ce que je voulais dire, c'est que j'ai tout essayé : le détachement, le cynisme, l'humour, la patience, la colère, le renoncement. Mais j'y reviens toujours. C'est pire que de la drogue. C'est une drogue !
— On ne te juge pas Kireg.
— Dernièrement, j'avais réussi à mettre un couvercle sur la marmite, la soupape fonctionnait bien. Je suivais ça de loin en loin. Heureux des victoires, vaguement amusé des défaites. Mais là, je sens que ça m'échappe. J'y crois à nouveau.
— Il s'est passé quoi pour que la tentation revienne ? me demande Maurice.
— Un truc incroyable Maurice. Un miracle. Comment t'expliquer ça ?

Je me tourne alors vers le jeune avec le visage en peau de couille :

—Tiens, toi, Nicolas c'est ça ? Ton truc, c'est l'héro ? Et bien imagine deux secondes une cuillère avec la flamme du briquet en dessous et ta dose qui crépite. Et bien moi, ça me fait le même eff…

Je n'ai pas fini ma phrase que le gamin se rue vers la sortie et disparaît dans la rue.

— On ne te juge pas, croit bon de préciser Jérôme, mais à son ton, je sens bien qu'il est moyennement jouasse. Je poursuis :

— Si vous voulez, cette cuillère fumante de dope, chez moi, elle prend la forme d'un joueur de dix-huit ans qui met le championnat à ses genoux. Le môme est brillant. Il enquille les buts et les merveilles de passes. Honnêtement, je n'ai jamais vu un joueur comme Ousmane Dembélé.

Je regarde Jérôme droit dans les yeux :

— C'est un génie. Juste un génie.
— Ousmane Dembélé, tu dis ?
— Ouais.
— « Le » Ousmane Dembélé ?!
— Oui.
— Et donc, ce club que tu supportes, c'est...
— C'est le Stade Rennais, oui.

Silence de mort dans l'assistance.
Catogan en profite pour me glisser un nouveau « connard ». 

zl
« Non, mais vous c'est pas pareil M. Ibrahimovic. Vous, ça vous va bien ce catogan, M. Ibrahimovic. Vous êtes beau et fort M. Ibrahimovic. Vous sentez bon. Je vais y aller, hein, M. Ibrahimovic… »


Puis, imperceptiblement, un changement s'opère chez mon interlocuteur. Une rupture. Ça commence par des iris qui se voilent, une lèvre supérieure qui se rétracte. Le torse se gonfle et les épaules s'écartent. La scène est à la fois amusante et relativement inquiétante. Imaginez Pascal Obispo se convertir au thrash metal… Voilà. Et d'un seul coup, sans prévenir, les vannes cèdent : 

— Je te juuuuuge ! Pauvre taré ! Le Stade Rennais ?! Mais faut vraiment être le dernier des crétins pour s'enticher d'un club pareil ! Et dire que je t'ai donné la parole alors que tu mériterais de pourrir en enfer. Fous-moi le camp ! Dégage ! Dégage ! Casse-toi d'ici espèce de malade !

Et voilà, toujours la même chose. C'est la quinzième association qui me vire. J'aurais tenu presque vingt minutes, un record.

Alors que je gagne la sortie, j'entends derrière moi la voix de Jérôme qui s'amenuise :

— Excusez-moi les amis. J'ai jugé. Michel, veux-tu prendre la parole ? Tu nous confiais la semaine dernière que tu adorais enfoncer des stabilos dans des bébés chiots ; où en es-tu avec cette petite marotte ?

Je claque la porte.
Nous, Rennais, sommes les derniers de notre espèce.

---------------


Et puisqu'on carbure tous à la même came, qu'on boit tous au même tonneau, voici quelques commentaires alambiqués sur notre adversaire du soir : le Stade Rémois qui tire ses corners directement. Tout se perd ma bonne dame. Y'a plus de saisons. Et avec ceci ? Ce sera tout merci (pour tout ce qui est en rapport avec les jeux de mots pétés sur le champagne, c'est par ici : http://tinyurl.com/jpk3lra).

- Le président de Reims s'appelle Caillot. Tu m'étonnes que le mec veuille mettre en place un jeu fluide dans son club de cœur.

- Les plus illustres joueurs de leur histoire s'appellent Just Fontaine et Raymond Kopa. Très bien, mais j'en n'ai vu aucun des deux jouer à la pétanque avec des artichauts. #LesVraisSavent  #TheRealOnesKnow #DeEchteWeten

- Les Rémois appellent leur club « Stade » de Reims : comme nous. Les Rémois ont gagné deux coupes de France : comme nous. Les Rémois ont gagné six championnats de France… Ouais, en fait elle est pourrie cette anecdote.

- Ah, ils ont aussi gagné la Coupe Latine en 1953. Alors, ça n'a rien à voir avec un concours sur les déclinaisons du vocatif (Amicus Amicorum Amici) ; c'était juste une formule championnat réservée aux poilus du torse qui parlent trop fort.

- Vous avez peut-être lu l'info : ce soir verra la 500ème de Sylvain Armand. On peut toujours se moquer, mais la caravane française, ça c'est du bon matos.


Allez, c'est tout pour moi. Et rappelez-vous, notre heure viendra, les seuls trucs impossibles sur cette planète étant :

- Se lécher le coude
- Le beurre doux
- Interdire la galette-saucisse place des Lices (http://tinyurl.com/zbaw3sn)
- Dire « non » à Scarlett
- Ne pas aimer Kasabian (bande de pitres !)
- Retranscrire une interview de Luis Fernandez


Vive la vie.
Vive l'inutilité.
Vive la Belgique !

Love.

K.


L'ensemble des chroniques (avec des images pour les enfants), c'est ici : https://alloroazhon.wordpress.com/

#8 Re: Jour de match » [31e journée] OM 2 - 5 Stade Rennais » 18-03-2016 15:53:50

Bob L'éponge Batshuayi va avoir un gros flash, il va comprendre qu'il a la droit de faire des passes, et il va même finir par nous en coller un. Je le sens venir. C'est inexplicable et ça m'énèrve d'avance.

#9 Re: Jour de match » [31e journée] OM 2 - 5 Stade Rennais » 18-03-2016 08:37:31

MARSEILLE – RENNES


Genius Loci – Skill-Effort – Ousmania


Previously on the « Stade Rennais Show » :

« Le phénomène Dembélé », « La pépite Rouge et Noir », « Ce gamin qui porte le Stade Rennais », « Comment qu'il est tro for Dembélé » : voilà quelques-uns des titres d'articles consacrés à notre virevoltant numéro 23 (le dernier, vous l'aurez compris, étant tiré de Footmercato.net).

C'est saoulant, mais force est de constater qu'il y a plus de talent dans un seul crochet d'Ousmane que dans les carrières de Cana et Vizcarrondo réunis. Des carrières de menhirs, donc. Pour ma part, j'étais tranquillement en train de faire livrer une palette de couches pour adultes sur le lieu de travail du capo de la Brigade Loire lorsqu'une question, d'apparence anodine, m'assaillit :

« D'où vient le talent ? »

Fascinante interrogation, n'est-il pas ?
Oui, hein ?
Si.
Je vous dis que si !
De toute façon, vous n'êtes qu'une bande de bourrins…

Le talent se cache-t-il dans nos gènes, au plus profond de notre intimité biologique – simple et triste séquence de nucléotides favorable à l'éclosion d'une aptitude ? Ou bien est-il le résultat d'un façonnage obstiné; glaise patiemment malaxée, puis façonnée pour en faire quelque chose de précieux et de rare ?

Éternel débat de l'inné contre l'acquis…

DNA-Strand.jpg
«  Bonjour docteur. Alors, je le voudrais avec des yeux bleus, des cheveux châtains, et aussi qu'il nous fasse gagner une coupe de France. Merci. »

Et pourquoi certains pourraient-ils faire le tour de la cour de récré en jonglant avec les deux pieds quand d'autres, pourtant tout aussi mordus de football et assidus à l'exercice, devraient être choisis en dernier au « chou-fleur », parfois même après le petit gros qu'on colle d'office dans les cages ? Parfois même après la fille ?

Éternel débat de « pourquoi que moi j'ai un M'Bengue alors que les voisins ont un Dembélé »…

Et Dieu dans tout ça ? Il fait des crêpes ?


Alors, oui, je sais, quand on ne sait pas quoi répondre, quand on sèche comme Yohan Mollo devant la question SMS d'un jeu de TF1, on va tout de suite se cacher derrière toutes ces conn la religion :

« Pourquoi la Terre tourne-t-elle sur elle-même ?
— C'est Dieu. »

« Pourquoi les Nantais sont-ils si laids ?
— C'est Dieu »

« Pourquoi y'a plus de lait dans le frigo ?
— C'est Dieu. »


Ouais, bon, oh, c'est un peu facile tout ça.
Avec un minimum d'effort, il est possible pour n'importe qui de se racler un minimum la soupière et de trouver les réponses qui, respectivement, sont :

- À cause de l'énergie cinétique
- Car ils n'ont pas d'âme
- Parce que je ne suis pas une Holstein, mon amour

Et puis de toute façon dieu est Suisse et retraité du foot. Alors lâchons-lui la grappe.

558594Frei.png


C'est un fait, nous vivons dans un épisode de South Park, et certaines choses sont inexplicables :

-    Valérie Trierweiler a vendu plus de « livres » qu'Hervé Commère.
-    Certains mangent les Bounty en premier dans les boîtes de Célébrations
-    i² = -1 (ben voyons…)
-    Des gens achètent du Gamay (Avec de l'argent ! Pour le boire !)

Parfois, chercher à comprendre le pourquoi du comment, c'est juste se condamner à la camisole.

Ousmane, régale-nous de ton inspiration.
D'où qu'elle vienne.
On te regarde.

-----------------------------------


Un vent blanc souffle dans les venelles, coupant, à la recherche de la zone de moindre résistance. Il s'insinue partout, lèche la pierre gelée de maisons renfermées sur elles-mêmes, concentrées sur les maigres foyers que l'on devine au-travers de fenêtres rognées aux coins par des cristaux de glace.

Protégé par la laine épaisse de sa bure, le visage enfoncé sous sa capuche, l'homme glisse avec une aisance féline au-travers de ce dédale gelé. Les bras refermés autour d'une forme emmaillotée, il avance telle une ombre furtive, tourne aux angles des ruelles, flotte d'un pas assuré et léger, laisse une trace indiscernable sur la poudre neigeuse des pavés arrondis. Droite, droite, gauche ; sans jamais ralentir il s'enfonce un peu plus dans les méandres de la ville, guidé par on ne sait quel sixième sens. Les enseignes à demi mangées par les flocons ne lui sont d'aucune aide. Il dépasse, indifférent, les échoppes et les auberges, traverse en quelques foulées alertes un petit pont délaissé par des mômes lui préférant d'audacieuses glissades d'une berge à l'autre. La lune gibbeuse se reflète sur la surface durcie du ru, trace une courbe fantasmagorique, comme la traînée d'un feu pâle allant se perdre derrière un horizon cotonneux.

C'est un ultime rempart.

Encore quelques virages et l'émissaire se faufile dans un goulet de briques. Tout au fond, perdu dans ce mirage, une large porte de bois barre l'entrée d'une maison anonyme. Avec d'infinies précautions, l'homme dépose son luxueux paquet sur le seuil, retire ses gants durcis par une croûte froide et abat le heurtoir de fer à trois reprises.

Le silence. L'attente.
Loin, au-delà des hauts murs, des nuages défilent, masquant comme ils le peuvent l'implacable œil scrutateur de l'astre blond.

Toujours rien.
Sur le pas de la porte, quelques flocons viennent se poser délicatement sur le colis et fondent aussitôt. Le caractère éphémère de cette ponctuation réveille une impatience. Trois nouveaux coups, plus violents, résonnent dans la nuit.

Enfin une agitation se fait entendre de l'autre côté. Un meuble qui racle le sol, des pieds qui traînent, un battant qu'on relève. La porte s'ouvre enfin ; elle libère une exhalaison tiède happée instantanément par l'atmosphère hivernale. Dans la lueur orangée de l'encadrement, se tient une jeune femme hébétée, hirsute, les yeux gonflés de sommeil. Elle n'a pas le temps de prononcer le moindre mot.

— Et bah c'est pas dommage ! Qu'est-ce que vous foutiez ? le tance immédiatement l'émissaire. J'ai bien failli finir en congère. Dis donc, c'est un sacré merdier pour se garer dans votre bled. Bon, allez, signez là. J'ai laissé tourner le moteur de la Kangoo et j'ai pas envie qu'on me la chourave. Ici, là, voiiii-là !

— De qu… ?

— Eh, dites, ça vous ferait mal au fondement de mettre votre nom sur la porte, ou d'indiquer un peu mieux votre baraque ? Vingt minutes que je tourne comme un gland. La journée a pas commencé que je suis déjà à la bourre…Merci bien, hein ! Allez, au revoir.

Le temps de comprendre ce qui se trame, l'homme est déjà loin, avalé par le voile des bourrasques. La jeune femme, elle, est à nouveau seule. Ou presque. À ses pieds, dans un couffin, un garçon de quelques mois babille. Il est tranquille, radieux, il regarde ce drôle d'adulte au-dessus de lui d'un air circonspect. Ses rares dents de lait accrochent un éclat de lumière qui contraste avec sa peau noire. Elle songe un moment à courir après le messager pour lui demander de s'expliquer, pour comprendre cette méprise, mais une force supérieure lui intime de ne rien en faire.

Alors, très vite, elle prend l'enfant dans ses bras, referme la porte de son destin et vient s'asseoir près de la cheminée, le petit être blotti tout contre elle. C'est alors qu'elle remarque une enveloppe qui dépasse des langes. D'une main, elle s'en saisit et la déchire. A l'intérieur, une simple lettre manuscrite sur un papier au grain épais. Les mots sont penchés, l'écriture d'un charme désuet, le message abscons :

Enfant de la prophétie
Par le talent pur, le cercle brisé
Une malédiction vaincue
Le Rouge
Le Noir
Pour l'ère du renouveau

Quelque chose résonne au cœur de cette femme isolée. Un écho se fait. Désormais, une mission lui incombe, un fardeau invisible tombé sur elle comme une charge sacrée. Le fil de son destin se tresse maintenant à celui de cette vie fragile qui soupire sur ses genoux.

À mesure de leur expérience commune, le poids de la lettre s'amenuisera. D'abord omniprésente comme jalon originelle de leur histoire, elle finira remisée dans le tiroir d'un meuble, oubliée dans une cave humide. À son fils, devenu un solide garnement, elle dira la vérité : qu'ils se sont trouvés.

Toutefois, gravés en elle au fer de leur mystère, les mots de la missive palpitent toujours et rejaillissent inexorablement dans ses rêveries, dans ses absences. Aussi, soucieuse de respecter une promesse non formulée, la mère initiera son garçon à d'innombrables disciplines, à la recherche « du talent pur » qui brisera la « malédiction ».

Dans les arts plastiques, le gamin fera un moment illusion avec une belle créativité. Certaines de ses productions produiront, chez ses professeurs, des moues dubitatives, sceptiques, voire curieuses. L'un deux parlera d'une expression artistique « hors des carcans », d'une approche « à la Jeff Koons », ce qui marquera, bien évidemment, la fin de l'imposture. En un mot comme en cent : le pinceau ou le couteau à la main, le môme s'avère être une grosse buse.

bg-naitre-grandir-bienfaits-dessin-3-a-5-ans-1.jpeg
« Il commence doucement à nous faire chier Loïc Féry ! »


En parallèle, on tentera le théâtre. Mais la mascarade reprendra de plus belle. « Il me rappelle Frédéric Diefenthal à ses débuts » lâchera un importun du conservatoire. L'insulte marquera la fin de l'aventure sur les planches.

C'est balle au pied que le miracle s'accomplira. La première fois qu'il pose la semelle sur le cuir, un déclic s'opère. C'est comme si le monde ralentissait. Tout lui vient avec une acuité décuplée, il n'anticipe même pas, il est dans un référentiel différent où les mouvements sont attendus, où les trajectoires sont d'une évidence crue. Il ne voit pas avec ses yeux mais analyse avec son corps. Il sait avant les autres. Et puisqu'il est souple et rapide, ses adversaires ne sont plus que de grossiers pylônes qu'il contourne tel un matador. Au village, ce gamin à la peau noire devient une attraction. Personne, pas même les adultes, ne peut résister à ses dribbles et à ses feintes.

Sa mère comprend que la prophétie commence. C'est elle qui, par un doux mercredi de printemps, le conduira au centre d'entraînement de la grande ville. Quand l'éducateur assiste à la démonstration, ses yeux brillent des futures facettes de ce diamant brut couvert de la poussière ocre du terrain stabilisé. Il n'a jamais vu ça de sa vie. Une telle aisance. Un tel relâchement. Il s'approche du gamin :

— Salut, tu es Ousmane c'est ça ?

Tirant sur les manches d'un maillot trop grand, le garçon marmonne sa réponse :

— Non, pas du tout. Moi, je m'appelle Fallou.

---------------


Et puisque nous refusons désormais les chèques de trente-cinq millions, voici quelques commentaires arrogants sur notre adversaire du soir : l'autre Olympique, celui qui est passé de la devise « À jamais les premiers » (à la ramener) à celle plus contemporaine de « Plus jamais les premiers ». Un club tout en retenue et pondération qui nous vient tout droit des Bas-de-France. On l'applaudit bien fort !

- Allessandrini s'est fait une coupe de super Saiyan. Pour un mec qui ne pouvait pas blairer Bielsa et sa glacière… Faudra pas pleurer si Freezer débarque.

alessandrini-a-t-il-perdu-un-pari.jpg
« Pourtant j'étais certain qu'on écrivait « Vélaudraume »…  J'arrête les paris. »


- On dit du mal de Romain, mais c'est peut-être un hommage à Pierre Richard, cette blondeur. Ça expliquerait sa saison en tout cas.

- J'aime pas Michy Batshuayi. Du coup, vous pouvez être sûrs qu'il va nous coller un triplé. Je le sens venir gros comme Quintero !

- Leur coach, Michel, a déclaré qu'il pourrait entraîner le Real. Alors, deux choses :

o    Soit il fallait comprendre « les entraîner… vers la seconde division ».
o    Soit il voulait dire Bréal et non Real. À Bréal-sous-Vitré, on dément toute approche. Pareil à Bréal-sous-Montfort.

- Sinon, les mecs ont recruté Abou Diaby. Le joueur qui craint les caresses de l'homme de cristal. Faut vraiment être con pour recruter un milieu de terrain qui se blesse tout le temps…

- Je suis mauvaise langue. Ils ont fait un joli coup avec Lassana Diarra. Franchement, lui faire croire qu'il allait être entouré de footballeurs, c'était osé, mais c'est bien joué.

- Margarita, Rennes… C'est plus un match de foot, c'est une pub pour Pizza Hut. D'ailleurs, ce serait bien que quelqu'un garde un œil sur Quintero pendant la rencontre. On ne sait jamais. S'il bouffe leur milliardaire peroxydée (Mme Louis-Dreyfus, pas Allessandrini, hein), on va être bien…

- Mandanda est redevenu un vrai mur qu'il faudra abattre. Mais on est un club sympa, on rebouchera tout avec les parpaings que se traîne Armand.


Allez, c'est tout pour moi. Et rappelez-vous : ce qui se voit, en s'en tape le coquillard ; c'est ce que nous sommes qui importe. Le chouchen c'est dégueulasse, j'ai jamais vu de bigouden de ma vie, je bite pas un mot de breizhou et je trouve le Bro Gozh particulièrement moche. Je suis Breton, je suis Gallo, je suis Rennais et je vous embrasse !


Vive la vie.
Vive les Hauts-de-France
Vive le Saint-Cornely

Love.

K.

L'ensemble des chroniques (avec des images pour les enfants) , c'est ici : https://alloroazhon.wordpress.com/

#10 Re: Jour de match » [30e journée] Stade Rennais FC - Olympique Lyonnais » 13-03-2016 09:56:32

RENNES – LYON


Magnum Opus – Master(jaune)piece – Champagne !




Previously on the « Stade Rennais Show » :


Aucun express ne m'emmènera
Vers la félicité
Aucun tacot n'y accostera
Aucun Concorde n'aura ton envergure
Aucun navire n'y va
Sinon toi

Aucun trolley ne me tiendra
Si haut perché
Aucun vapeur ne me fera fondre
Des escalators au chariot ailé
J'ai tout essayé
J'ai tout essayé

Extrait de « Aucun Express » – Texte de Jean Fauque et Alain Bashung


T'es parti trop tôt Alain. Je l'ai trouvé ton express. Il est Rouge et Noir. Bon, il tient plus de la loco à charbon que du Shinkansen, mais quand il envoie les watts, tu le sens passer.

Cc7rDMDWwAAcOW1.jpg:large
« Nouveau jeu à la mode, le « Un, deux, trois, quatre, zéro, soleil ! » fait fureur au sein de la Brigade Loire »


Eheheh.
Eheheheheh.
Ohohoh.

Bon. Soyons honnêtes. Pour une fois dans nos vies, soyons honnêtes : j'avais pensé arrêter, partir en beauté, au firmament de ma jouissance supportérienne, dans un climax freiesque enfin retrouvé.

C'est vrai, si on regarde en arrière, quels sont-ils, dans la vie, ces petits moments de joie qui tels des pépites de chocolat parsemés sur l'étron fumant de nos mornes existences nous permettent de ne pas se la jouer façon The Undertaker lors de l'entretien annuel ? Combien sont-ils ces instants fugaces de plénitude, ces étincelles qui embrasent nos consciences, enflent violemment nos âmes, et rayonnent ensuite au-travers de nos dermes jusqu'à épuisement, comme le métal en fusion retrouve la froideur de son état solide ?

Ils sont uniques. Ils sont précieux.
Oui, ces éclats de vie ont l'intensité de leur rareté.

Et quand, par bonheur, ces flux d'une énergie trop soudaine se déversent, nous restons là,  pantois, ébranlés et incapables d'ingérer leurs ondes brûlantes ; alors nous les laissons s'instiller en nous ; orgasme électrique.

Chacun trouvera en lui les clefs mettant en branle le mécanisme de son grand « dégoupillage onanique ». En ce qui me concerne, le trousseau ressemble à ça :

- Trouvez un stream stable
- Voir le Stade Rennais en passer quatre aux piafs en quarante-cinq minutes
- Observer la Brigade Loire plier les gaules à la mi-temps
- Me sentir Rennais, encore, toujours, même loin du Roazhon Park

Nan mais quel panard !

J'aimerais avoir le triomphe modeste, mais je suis trop idiot pour ça. Je me délecte de leur déroute. Je me vautre dans notre succès.

Cette taule infligée à notre ennemi préféré a même modifié mon rapport aux autres et ma perception du quotidien.

Rennes-Nantes-parcage1.jpg
« Plaisir d'offrir (beaucoup), joie de recevoir (brièvement)… »

--------

C'est le trille délicieux de la sirène des forces de l'ordre bruxelloises qui me tira du lit à quatre heures trente-sept, en ce lundi matin, lendemain de Victoire. Pourquoi faire beugler la deux-tons en plein milieu de la nuit ? Vaste question… On ne sait jamais, peut-être existe-t-il quelque part dans la commune un psychopathe tenant le compte fidèle de l'ensemble des interventions nocturnes de la maréchaussée, et ce depuis 1971. Le bonhomme possède des centaines de carnets annotés, un garde-manger rempli de boîtes de conserves périmées et se taille la pulpe des doigts au cutter pour effacer ses empreintes. Nan, mais on sait jamais… Pourquoi pas après tout. Dans le doute, les flics ont raison, autant faire bondir dans leur plumard des travailleurs perclus de fatigue, terroriser des mômes persuadés de l'arrivée d'un monstre hurlant, et réveiller des nouveau-nés que des parents au bout du rouleau ont mis sept jours à endormir. Pas de souci. C'est très très bien. Si c'est pour la communauté. Si c'est du civisme… Et certains qui se plaignent alors que la bleusaille rend service. Et puis c'est vrai quoi, combien de fois a-t-on vu le cas de figure suivant :

« Gardez vos masques les mecs putain !
— Mais fonce merde !

Crissement de pneus.

— Rohhhhh ! Y'en a au moins pour cinquante briques rien que dans les montres. Et je vous parle même pas des bagouzes et des diams…
— Et seulement trois coups de feu ! Un seul mort. Propre et net.
— On est encore loin de la planque ?
— Cinq minutes.

Sirène de police qui résonne au loin.

— Oh non, c'est trop dommage, on y était presque. Bon, bah, mets ton clignotant Robert, on se rend.
— Mais…
— Quoi « Mais » ? Je te signale, Robert, que les mecs ont mis la sirène. La sirène, Robert ! On n'a pas le choix. On doit s'arrêter. Rah, lalala, quinze ans de bahut qu'on va prendre, au bas mot ; et si près du but en plus. C'est vraiment trop ballot… »

Bon.

Alors moi, je dis merci. Merci la police de veiller sur nous. Et merci de nous le faire savoir au petit matin !


9e53d61dc1df9554908eddd383855eb3.jpg
« Mets-y donc un coup de klaxon, Wouter, j'en vois qui pioncent encore ! »



Quelle chance d'être tiré du lit si tôt. Sifflotant « galette-saucisse je t'aime », je décide de profiter de ces instants entre chien et loup, quand la ville dort encore. « L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt », « Pierre qui roule n'amasse pas mousse » et puis « Si ma tante en avait, on l'appellerait tonton » ou encore « Copain, copine, quand on peut, on pine ». Rien à voir, je suis bien d'accord, mais je les aime bien celles-là.

Un léger bâillement me tire sur les mâchoires tandis que j'enfile short et maillot du Stade-Rennais-Football-Club-1901-double-vainqueur-du-FC-Nantes-6-à-1-score-cumulé-vlà-la-branlée-qu'on-leur-a-collée. Hier soir, repu de résumés du match, je me suis couché sur les coups de trois heures du matin. Autant dire qu'au moment où je m'apprête à sortir de chez moi je suis aussi frais que Benoît Costil après une séance d'un contre un face à Cheikh M'Bengue et Steven Moreira (mais si, rappelez-vous, un joueur de foot, enfin… un type qui jouait arrière droit dans notre équipe de foot).

Guilleret, les baskets aux pieds, je m'empare de la pile d'affichettes imprimées la veille, de mon pot de colle industrielle, et je ferme la porte derrière moi.

A l'instant exact où je claque la grille de la résidence, des trombes de flottes se mettent à tomber du voile noir du ciel. Il doit faire moins cinq degrés : même la météo est avec moi ; il est beaucoup plus agréable de courir dans le froid. Alors que je me tiens sur le trottoir, une voiture passe à vive allure et fait un écart manifeste pour enfoncer ses pneus dans une ornière. La manœuvre projette une gerbe d'eau glacée qui me douche littéralement. « Ce que les gens sont taquins », me dis-je, tout sourire, en me remémorant l'air-défense de Lorik Cana sur le troisième but de Dembélé. Mais pas de temps à perdre, je me mets au petit trot. C'est que j'ai du pain sur la planche.

J'en suis à plus ou moins la moitié de la pile, quelque part aux abords de Schaerbeek, quand un vieux monsieur promenant un roquet souffreteux m'interpelle. La pluie s'est calmée. Son chapeau à large bord goutte néanmoins. Allié à la lumière tombante du lampadaire, il plonge ses traits dans une ombre impénétrable :

— Que faites-vous donc jeune homme ? me demande-t-il avec une voix étonnamment lointaine.
— Oh, bonjour monsieur. Je colle des affiches, rétorqué-je, un peu essoufflé par ma course.
— Je le vois bien, mais qu'y a-t-il d'écrit dessus ? C'est que j'ai la vue basse.
— Oh, veuillez excuser mon indélicatesse ; il est écrit « Rennes-Nantes, 4 à 1, merci les piafs, et bons baisers de Bretagne. » J'en ai collé deux-cent-trente-sept depuis ce matin, ajouté-je avec un sourire radieux.
— Nantes, dites-vous ? Jamais entendu parler… C'est où exactement ?
— Hum, vous voyez l'ouest de la France ?
— Oui.
— Vous voyez donc la Bretagne ?
— Bien sûr !
— Et bah, c'est pas là du tout ; c'est bien en-dessous, quasiment en Vendée ; vous savez, la région de l'autre illuminé avec son Puy du Fou, ses mogettes et son préfou. Le grand neuneu touché par la grâce qui veut évangéliser la région avec des chevaliers en Nike Air et des saltimbanques qui jonglent avec des balles en feu.
— Ah, oui, d'accord, je vois.
— Et bien figurez-vous qu'ils ont un club de foot là-bas. Pas bien brillant, franchement bancal, mais vaillant. Ils sont braves, quoi. On les a joués ce dimanche. Ça a commencé comme une rencontre sportive, mais ça a immédiatement tourné au débit de viande en gros : quatre à un, quatre zéro à la mi-temps. Sale.
— Ah, mais ce sont des nuls.
— C'est ça !
— Mais pourquoi les affiches ?
— Et bien, ce que je n'ai pas vraiment eu l'occasion de chambrer. Ici à Bruxelles, je n'ai jamais croisé le moindre Nantois…
— « Nantois » ?
— Ce sont les habitants de Nantes. Bon, c'est le terme officiel, hein ; en pratique les gens les appellent plutôt les « Faux-Bretons », ou les « Complexés », ou encore les « Nouonaunpalmarès ». Mais je suis désolé, je vous ennuie avec mes histoires. Je vous laisse, c'est qu'il m'en reste un sacré paquet à coller.
— Bien sûr, bien sûr, jeune homme. C'était un réel plaisir. Et bonne continuation.

En voulant lui tendre la main, des affichettes me glissent des bras et s'éparpillent au sol. Quand je relève le nez, l'homme a disparu. Volatilisé. Brumisé. Un mirage ?




Au même moment au Groendekor de Sint-Pieters-Leeuw (sorte de Jardiland belge)

Frauke Vandernoot n'aimait pas particulièrement son travail. Elle aurait coupé le moteur de son antique AX blanche le temps d'y réfléchir, elle en aurait conclu qu'elle le haïssait. Se lever si tôt pour démarrer les installations électriques d'un entrepôt géant, effectuer les inventaires et préparer les fonds de caisses n'a rien d'excitant, surtout pour une jeune femme de vingt-cinq dont les derniers reflets d'idéalisme refusent obstinément de s'effacer derrière l'impitoyable buvard de la réalité. Alors elle fait comme tant d'autres, elle met un pied devant l'autre, suit sa routine, petit Charlot des Temps modernes, version colorisée.

Les mains rivées sur le volant, sa prison volontaire se devine déjà derrière la brume matinale encore accrochée au paysage. Clignotant à droite ; créneau ; badge sur le détecteur ; vestiaire ; pointeuse. C'est parti pour sept heures au paradis. Tandis qu'elle boutonne sa blouse et passe devant le local de vidéosurveillance, son œil distrait glisse sur la mosaïque d'écrans en noir et blanc. Elle n'y prête par ailleurs qu'une attention furtive, mais la rémanence travaille son cortex et la fait finalement reculer pour gratter une petite démangeaison cérébrale : quelque chose cloche.

Frauke scrute désormais le mur de moniteurs, cherche l'anomalie, scanne, furète. Chaque écran correspond à une caméra panoramique qui balaie une zone stratégique du magasin : animalerie, gros outillage, jardinerie, librairie spécialisée. Une dizaines d'images animées à intégrer. Elle commence à douter de son intuition lorsqu'elle met enfin le doigt sur ce qui la dérange. Là !

La jeune femme attrape son talkie-walkie :

— Bart ! Tu m'entends ? On a problème. Tu sais me rejoindre au local s'il te plaît ?

Grésillement

— J'arrive.

Moins de deux minutes plus tard – montre en main – Bart débaroule hors d'haleine dans le petit bureau. Il faut dire qu'il l'aime beaucoup, Bart, la petite Frauke ; surtout quand – comme aujourd'hui – elle porte une jolie jupette.

— Oui Frauke, un souci ?

La petite blonde cale une mèche derrière son oreille d'un geste distrait, et désigne le deuxième fauteuil à roulette à son collègue.

— Ce matin, en passant, j'ai remarqué un truc bizarre, déballe-t-elle, le regard toujours vissé sur les écrans. C'est peut-être rien, mais… je ne sais pas.
— Dis-moi.
— Là, regarde, fait-elle alors, en pointant son index sur la caméra de l'espace « oiseaux ». Regarde bien les canaris.
— Tu peux zoomer ?
Frauke fait tourner une mollette et l'image s'agrandit sans perdre de sa netteté.
— Mince alors, s'exclame le garçon. Mais qu'est-ce qu'ils font tous dans un coin de leur cage. On jurerait qu'ils sont terrorisés. Il s'est passé un truc cette nuit, c'est pas possible autrement. Tu peux revenir en arrière avec ton bidule-là ?
— Deux secondes.

Elle s'affaire sur la table de commande, enfonce des touches au hasard, s'énervant contre sa maladresse et la complexité de l'installation. Enfin, elle fait reculer le timecode.

— OK, super, remonte jusqu'en début de soirée.

Alors, sous leurs yeux encore bouffis de sommeil, les piafs s'agitent de façon chaotique, pixels en nuances de gris ballottés par ce retour express vers le passé. Rien d'anormal. Et puis soudain :

— Là ! dit Frauke. Y'a quelqu'un face à la cage. Attends je remonte encore jusqu'à son arrivée. Voilà. On est bons.

Les deux visages se rapprochent imperceptiblement du moniteur.

— Il rentre dans le champ de la caméra à vingt-trois heures pile, note Bart. Et il va se coller directement devant les canaris. On a l'impression qu'il sait ce qu'il fait. Mais comment est-il rentré ?
— On verra ça plus tard. Regarde, il y a un truc écrit dans son dos. C'est un maillot de foot qu'il porte, non ? Tu lis quoi ? « Kipef » ou « Kireg »…
— On dirait bien « Kireg », oui. Mais regarde, il baisse son pantalon… Il…
— Oh !!!

Les deux employés ont un le même mouvement de recul, choqués par la scène qui se rejoue devant eux.

— Mon dieu, mais il sort sa… enfin son… bégaie Frauke.
— Et aussi ses… complète un Bart éberlué.
— Mais qu'est-ce qu'il fait ? Il le fait tournoyer ? Non ? C'est quoi ? Pourquoi ?

Le garçon devient livide. Une sueur froide lui coule sur l'échine. Il émet d'une voix blanche :
— J'en ai entendu parler. Je ne pensais jamais en voir un de mon vivant.
— C'est politique, c'est ça ? sanglote la jeune femme ? Un truc d'activiste ?
— Ça va au-delà de ça, crois-moi. Ce que tu vois là, c'est la manifestation ultime de la joie malsaine. C'est le mal ventilé. L'humiliation tournoyée…
— …
— C'est…
— Dis-le-moi, Bart, je t'en prie.
— Dieu nous vienne en aide… C'est un hélicobite Frauke !


-----


Mes plus sincères excuses pour cette vulgarité. J'ai lutté fort, mais il fallait que ça sorte. Et puis vous admettrez qu'il vaut mieux faire ce genre de choses devant la cage des canaris que devant celle du Lyon.



Car oui, nous sommes désormais les Rois incontestés du Royaume de Bretagne. Et pour célébrer notre grandeur, voici quelques commentaires altiers sur notre adversaire du soir : L'Olympique lyonnais, club qui se contente de gagner 5-1 contre Guingamp alors qu'il est si facile de leur infliger un 6-1.

« Euh, t'oublierais pas les deux coupes de Fr…
— …LALALALAAAAAA, J'ENTENDS RIEN, J'ENTENDS RIEN, LAAAAALALAAAAAA ! »


- « Aulas » à l'envers, ça donne « Ass Hole », tandis que Ruello à l'envers, ça donne juste un vieux monsieur qui fait le poirier. Bon. Voilà, je pose ça là, vous en faites ce que vous voulez.

- La cote pour un but de Yoann Gourcuff est à 3 contre 1. En revanche, la cote pour un AVC de Jean-Michel Aulas en cas de but de Yoann Gourcuff est à 1 contre 1.

- Valbuena, dit « Petit Vélo », sera donc passé du Dynamo à la Ville des Lumières. D'un point de vue « éclairage », c'est une progression indéniable.

- Que pourrait-on bien faire des 295 millions d'euros du transfert de Dembélé ?

-    Rembourser 2% du coût de Yoann Gourcuff au groupe OL
-    Prolonger le contrat de Yoann Gourcuff
-    Prolonger Yoann Gourcuff (http://tinyurl.com/jkuy8zd)
-    Prolonger la ligne de métro jusqu'à la polyclinique de Cesson, pour Yoann Gourcuff
-    Attention, il ne faut pas brûler la peau de l'ours avant de l'avoir vendue



Allez, c'est tout pour moi les p'tits potes. Et rappelez-vous : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Sauf la Brigade Loire, qui elle, a bel et bien disparu.


Vive la vie.
Vive les senzus.
Vive le meilleur public de France.


Love.

K.

#11 Re: Jour de match » [29e journée] Roazhon 1901 - Naoned 1943 » 06-03-2016 11:44:08

Je veux vous entendre depuis Bruxelles.
Donnez tout.
Soyez beaux.
Allez Rennes bordel !

#12 Re: Jour de match » [29e journée] Roazhon 1901 - Naoned 1943 » 06-03-2016 09:21:48

RENNES – LES AUTRES EN JAUNE, LÀ


Vox Populi – Yell (Very) Low – Ictère À Terre !



Previously on the « Stade Rennais Show » :

Avec tonton Rolland, le temps règlementaire, c'est comme les transferts réglementaires : on s'en bat les steaks. Pour nous, le vrai jeu commence avec les arrêts de jeu.

Nous avons l'élégance du paradoxe.
Nous domestiquons le chat de Schrödinger.

Lisez plutôt :



-------

Embrasser les foules est une question de tempo ; on ne s'improvise pas tribun. La voix doit entrer en résonnance avec les motivations intimes, elle doit déverrouiller les instincts. Elle doit accompagner l'individu vers un plan où il ne s'appartient plus ; lui permettre de devenir l'unité nécessaire d'un ensemble en harmonie. Les silences se doivent d'être, non des pauses, mais des échos. Ils sont la conséquence nécessaire d'un mouvement impulsé, des danseuses abandonnées en attente du bras puissant d'un partenaire. Dans leurs sillons essaiment des énergies contenues à la recherche de l'exutoire qu'un mot idoine – asséné avec la bonne couleur – fera jaillir comme le sang irriguera à nouveau le membre engourdi.

Tandis que j'avance vers le promontoire, je ne sais pas encore quelle tournure prendra ma harangue improvisée. Les mots existent déjà, tapis dans quelque subconscient en alerte. Le temps se matérialise ; il s'allonge et délaie cette impatience mâtinée d'appréhension. Le trac joue comme un épaississant qui alourdit mon pas sans le ralentir. Je n'ai pas bougé. Je suis pourtant en position. Je dois initier le mouvement.

J'inspire :

« Chers amis (~~~) Mes amis,

Ce soir, les choses prennent corps. L'attente est récompensée. Ce soir, nous faisons face à ce qui nous anime. Notre feu intérieur trouve sa justification. (~~~) Si l'horizon du quotidien est parfois terne, toujours brille au loin cette clarté de phare qui nous rappelle à ce que nous sommes. (~~~)

Qui sommes-nous ?

Nous sommes ceux qui, à terre, se sont relevés encore et encore. Les écueils, loin de nous contraindre, ont renforcé notre détermination, notre foi. Qui peut se prévaloir de tant de courage ? Qui pour toiser notre dévouement ? (~~~)

Ce soir nous ne sommes plus des hommes. Ce soir nous ne sommes plus des pères ou des maris. Ce soir nous oublions jusqu'à nos noms. (Pensif ~~~) Ce soir… (Plus fort ~~~) Ce soir nous sommes nos couleurs ! Nous sommes le Rouge de notre passion. Nous sommes le Noir de notre dévotion. Ce soir (très fort) nous sommes le Stade Rennais, et nous avançons vers notre destin ! (~~~)

Ce soir, mes amis, nous sommes la clameur éternelle, nous sommes le tumulte des âmes conquises ! (crié)

Ce soir, nous sommes la fureur de la victoire !
Nous sommes le Stade Rennais !

Allez Rennes ! »


La première chaussure me manqua assez largement et vint rebondir sur la fenêtre ouverte de ma salle de bain. La seconde, un croquenot taille 47 à bout clouté, je la pris en plein pif.

« Tu vas pas un peu fermer ta gueule, nan ?! » brailla le champion de Belgique de lancer de godasses, bien campé en chaussettes au milieu de la rue. « Il est cinq heures du matin, espèce de taré ! »

Hum. Il est vrai que les vieilles de derby, je dors mal.

« Excusez-moi monsieur De Smijter. Et mes hommages à madame », rétorquai-je en lui rendant sa chaussure, dans un souci évident d'apaisement.

En face, victimes de la sérénade, de plus en plus d'ampoules s'allumaient, dessinant des carrés de lumière aléatoires sur les façades d'immeubles.

Je refermai ma lucarne en hâte, entendis quelques projectiles tardifs heurter la vitre cependant que je posai deux doigts sur mon blaire endolori. Je vis dans ce sang vermillon un heureux augure.

Appuyé sur la vasque du lavabo, j'observai ma face tuméfiée.
La journée allait être longue.


MLK
« Les places assises dans le bus, c'est bien. Mais le plus important, les mecs, c'est les trois points ! Allez Rennes, bordel ! »



H-12 (cinq heures du matin)

Toute cette agitation n'a pas réveillé ma femme. Coutumière de mes accès de verbiages et autres envolées lyriques impromptues, elle pionce comme un loir au 3x8 sur l'atelier de montage. Je profite de cette solitude narcotique pour réaliser un projet qui me tient à cœur depuis plusieurs mois.

À l'autre bout de l'appartement, dans son lit de princesse, ma fille Renée dort à poings fermés. Sa couette brodée de l'écusson Rouge et Noir se soulève à intervalles réguliers dans un mouvement chaloupé incroyablement apaisant. Sur les murs, à la faveur de la pénombre, le papier glacé de ses posters « Reine des Neiges » prend l'aspect du vélin. Peut-être devrais-je d'ailleurs orthographier « Rennes des neiges », s'agissant de photos d'Alexander Frei maniant un ballon fluo sur un terrain blanchi par la poudreuse.

Je m'approche furtivement de son porte-manteau, saisis l'immonde écharpe jaune qu'elle a entortillée autour du crochet selon des nœuds savants que seuls les enfants et les marins à la retraite maîtrisent. Le bandeau de laine enfin décroché, je le remplace par son équivalent rouge acheté la veille. Adieu le cadeau de Noël de belle-maman. La « mamie de Vendée » commence sérieusement à me courir sur le paletot avec ses provocations à la mords-moi-le-nœud.

Satisfait, bien qu'un peu honteux, je m'éclipse sur la pointe des pieds. Mais du sang a dû goutter sur le parquet et je glisse avec la grâce d'un Brian Joubert en lice pour le championnat du monde d'emplafonnage sur commode Ikea. Les petits personnages en plâtre, souvenir de notre lune de miel à Maubeuge (j'avais revendu les billets d'avion pour les Canaries), dégringolent du meuble avec une insistance et un bruit exaspérants.

— Rrrr… Humpfff… Papa ?

Je fourre en vitesse l'étoffe jaunasse sous mon pull.

— Oui, mon ange ?
— C'est l'heure de se lever ? Super ! On fait un jeu ?

C'est ainsi que je me retrouvai, assis sur un tapis de jeu, au petit matin, à disputer une partie de Puissance 4 contre ma fille ; partie de Puissance 4 particulière, puisqu'uniquement dotée de pions rouges.

P4



H-9 (huit heures)

Tiraillé par la faim et soucieux de marquer des points auprès de ma compagne et de ma fille en prévisions des inévitables tensions pré-match à venir, je descends à la boulangerie du coin afin d'offrir des pâtisseries encore tièdes à ma petite clique somnolente.

Sous la porte cochère, je jette un coup d'œil inquiet des deux côtés de la rue, particulièrement attentif aux riverains en chaussettes.

Rasséréné, je rajuste ma perruque, ma fausse moustache, et prends en face en direction des commerces.

La boulangerie est vide quand je fais tinter le carillon.

— Goeiemorgen, bonjour ! m'accueille une charmante vendeuse dont le tablier plein de farine souligne la finesse de la taille et la lourdeur de la poitrine.
— Bonjour, je vais vous prendre trois kouign amann en portions individuelles s'il vous plait.
— Des quoi ?
— Trois kouign amann…, répété-je, circonspect.

Devant sa mine déconfite, je fais défiler les pages mentales de mon « guide de survie en milieu bruxellois ».

— Ah, je vois ! dis-je alors. Pardon pour la confusion. Je voudrais trois « kouignoù » amann ; j'oublie toujours la terminaison du pluriel. Veuillez m'en excuser.
— Micheeeeeeeeeel ! se met-elle alors à beugler sans autre explication.

Un rude bonhomme, la bedaine tendue comme une outre et le calot de guingois telle une auréole blanche, passe aussitôt la tête par la porte de l'arrière-boutique.

— Oui Lucienne ?
— Monsieur voudrait des couine-hallals, souffle-t-elle, comploteuse, en me désignant du menton.

Décontenancé par le fait qu'une si charmante femme puisse se prénommé Lucienne, je ne me formalise pas de ce traitement cavalier réservé à un client et m'empresse de corriger :

— Kouign amann.
— On ne fait pas ça monsieur ! me tance le patron. Vous êtes dans un établissement respectable. Nous avons gagné le trophée de la couque d'or sept années de suite. Ç'aurait même dû même faire treize années de suite si ce tricheur de Vanden Borre avait respecté la quantité limite de sel.
— OK…Passionnant. Euh, bah du coup, je vais vous prendre une douzaine de palets au beurre de Guérande. Des sablés quoi.

Échange de regards entre les tenanciers. Et Michel qui remet le couvert :

— Tu cherches quoi, là ? La violence ? C'est la violence que tu veux ?

À court d'arguments sur la boulange, je présente mes paumes en signe d'apaisement, réalisant un peu tard que je n'ai pas lavé le sang noir sur mes doigts. Je bredouille quelques mots, mais ma fausse moustache – dont l'adhésif adhère mal à ma vraie moustache – se décolle et me fait zozoter :

— Ze veux zuste des gâteaux pour azeter la paix de mon ménaze.
— Il se fout de moi en plus ! tonne alors mon Saint-Michel, qui visiblement supporte mal de se faire ensabler.

Pas courageux, et pas téméraire non plus, je me précipite sur la sortie non sans adresser un dernier clin d'œil à Lucienne :

— J'imagine que vous n'avez pas de crêpes au caramel au beurre salé ?...

Quand le boulanger débouche sur la rue, la rage au ventre, je suis déjà loin.

biscuits
« Ah bah oui, c'est autre chose que les BN (je vous laisse le soin de découvrir le sens de cet immonde acronyme »



H-5 (midi)

« Gniaouuuu ! »

Personne ne semble prêter attention à la plainte provenant du jardin d'en bas. Il faut dire que faute de pâtisseries, le cassoulet en boîte avalé pour le petit-déj a lesté les estomacs autant que l'ambiance. Et que je te repousse la nourriture avec la fourchette et que je te triture tout ça avec la pointe du couteau. Autour de la table, mère et fille, dans une unanimité tacite, me renvoient ma médiocrité de maître queux en pleine tronche. C'est plus un repas dominical en famille, c'est le jury de Top Chef : « Oui, Kireg, tes assaisonnements sont bons, mais ton plat ne me raconte pas d'histoire. Tu pars en dernière chance, tester ta résistance acoustique avec Philippe Etchebest. » Non mais oh ! Woh ! On est où là ? On fait de son mieux et ça suffit jamais. Avant d'exploser, je préfère crever l'abcès :

— Dites-le si c'est pas bon !

Ma compagne, occupée à mâcher la même bouchée depuis un quart d'heure, semble surprise par ma saillie. D'un mouvement de bras suspect, elle fait tomber l'assiette de la petite sur le carrelage.

— Oh non… Ce que je suis maladroite. Et le plat qui est vide. Quel dommage. Va prendre un yaourt dans le frigo Renée. Vite !
— Ça ne vous plaît pas, hein ?
— Si, si. C'est… original. Je n'avais jamais mangé une omelette de cette consistance. Et de ce goût. Tu as ajouté de l'ail ? Des câpres ? Un truc dans le genre ? De la soude caustique peut-être ? ajoute-t-elle in petto.
— Ah ? Ça ? C'est parce que je n'ai utilisé que les blancs.
— Que les blancs !? Mais… Et les jaunes, t'en as fait quoi ?
— Roh ! On va pas avoir cette discussion cent fois ; y'a trop de jaune dans cette baraque. Je supporte pas le jaune. Surtout les jours de derby. Les jaunes, je les ai filés au chat des voisins ; tu sais, les vieux Autrichiens du rez-de-chaussée.

Elle ne m'aurait pas regardé différemment si je lui avais annoncé un but de Giovanni Sio.

— Et il les a mangés ?
— Ouais.
— Tous ?

J'opine du bonnet.

— Mais y'en avait combien ?
— Pour l'omelette ? Sept.

À cet instant précis, je comprends que mon cas s'aggrave. J'ai l'impression d'écoper le Bugaled Breizh avec un casque de chevalier Playmobil.

— Comment ça « pour l'omelette » ?
— Bah, oui, j'ai aussi fait du dessert…

Silence.
Elle plisse les paupières, prend sur elle et poursuit :

— Vas-y…Lâche l'info.

Je déglutis péniblement. Ma pomme d'Adam joue l'ascenseur, façon Stade Brestois.

— Un far breton. Pour huit. La recette de ma mère. Quinze-mille kilocalories à la bouchée. Une bombe culinaire. Un truc à faire chanter La Traviata à un diététicien. Douze jaunes d'œufs. Dix-neuf en tout.

Elle prend alors le parti de se la jouer ménagère médusée, les yeux comme des billes, la mâchoire pendante, et l'immobilité d'un Toivonen posant comme modèle de nature morte (désolé pour les puristes qui y verraient plutôt une vanité, mais sur le terrain on ne voyait pas vraiment la différence entre notre Suédois et une corbeille de litchis).

Pour la convaincre que mon far est réussi, je vais vite le récupérer sur le balcon. Je distingue alors une masse rousse dans la rocaille des voisins. Une masse immobile.

Je crois que je viens de buter le chat des Schrödinger.


chat
« Franchement, on se concentre deux secondes et ça passe comme un crochet de Dembélé dans une défense de Ligue 1. De la joie des maths sans chiffres… »


Heure H (dix-sept heures)

Quand j'allume la télévision, le match est à la fois gagné et perdu (http://tinyurl.com/jheqbtp). Mais étant donné qu'il est hors de question que le physique quantique me les brise, j'ai sorti le maillot, le mégaphone et tout le toutim. Je ne suis pas dans plusieurs états parallèles ; je ne suis que dans un seul état.

Je stresse !

--------


Et puisque rien d'autre ne compte (n'est-ce pas James), voici quelques commentaires objectifs sur notre adversaire du soir : le FC Nantes, club qui lui-au-mois-a-un-palmarès-lalalalère-c'est-celui-qui-le-dit-qui-y-est-et-mon-père-il-est-plus-fort-que-ton-père.


- On autorise le déplacement de Nantes à Rennes (tant mieux), mais pas celui de Rennes à Troyes. Les types qui prennent les mesures d'interdiction sont donc du genre à ne pas manger de Mars de peur d'avaler un bout de plastique, mais à jongler avec des aiguilles usagées trouvées dans des salles de shoot. Normal.

- Derby breton ou derby de l'ouest ? Difficile à dire. Il faudrait un détecteur à Breton. Ah, ça existe déjà ? Et ça s'appelle un… éthylotest. OK.

- Le FC Nantes est un club en bois (cherchez pas la vanne, parfois faut juste être factuel).

- En réalité, le groupe qui interprète Nantes ne s'appelle pas « Beirut » mais bien « Déroute » : http://tinyurl.com/m2ns5uz

- Les piou-piou en étaient donc à seize matches sans défaite : il était grand temps de les faire revenir sur Terre (merci Sochaux). Tiens, ça me fait penser, on pourrait construire un aéroport. Dans un petit bled. Entre nos deux villes. Non ?

- Quelqu'un a pensé à placarder des photos de N'Tep dans le local où on range nos tifos ? Il paraît que ça leur file des terreurs nocturnes aux voleurs Nantois.

- Le nom « Brigade Loire » c'est un hommage aux scores fleuves qu'on leur colle tous les ans à la Baignoire ?

- Jamais vu un kop si surcoté. À les entendre, ils sont le mur jaune de Dortmund. Dans les faits, on serait plus proche de la cloison en placo de Sucé-sur-Erdre

- Si vous hésitez entre les deux clubs, je me suis permis de vous concocter un guide pour vous aider :

guide

Allez, c'est tout pour moi.

Et quoi qu'il arrive, brandissez haut le Gwenn Ha Du, si ça ne nous fait pas gagner, ça servira d'entraînement pour les Vieilles Charrues, pour Roland-Garros, pour le mondial de Xistera, pour la foire au Stilton de Nottingham, pour la course en sac de la kermesse de Harlowton, pour…


Vive la vie.
Vive la Bretagne.
Vive les Pays de la Loire.

Love.

K.


THE END

#13 Re: Jour de match » [29e journée] Roazhon 1901 - Naoned 1943 » 03-03-2016 11:13:28

Tout ceci est passionnant.
Surtout la leçon d'étymologie à base de mot-valise.

"Anti-Reniais" quoi !

Bim, le talent du mec ! Dans ta face. "Headshot !"
À vous faire douter de vous. À vous rendre le stylo bic terrifiant. À vous faire relativiser la prose des Zola, Hugo et consorts.
Des poseurs ces mecs-là ; la verve vraie est ici.

"anti-Reniais"...

Je m'en remets pas.
Du grand art.



FAUT LES PLIER !!!

Le reste, c'est de la littérature.

#14 Re: Jour de match » [28e journée] To Lose, lost, lost 1 - 2 Stade Rennais » 27-02-2016 10:10:26

TOULOUSE - RENNES


In Hoc Signo Vinces – Prison Break – Pause Carcérale



Previously on the « Stade Rennais Show » :


« Asymbolie à la douleur. »

Voilà. C'est le terme scientifique du syndrome qui m'affecte depuis plusieurs années. Je ne ressens pas la douleur. La maladie prend de formes extrêmement variées. Je peux ainsi deviser sur la meilleure façon de torturer un canari avec la paume de la main posée bien à plat sur une plaque vitrocéramique chauffée à blanc. Je peux aussi boire une bouteille de muscadet ou de gros-plant sans ressentir de gêne autre que des saignements intestinaux et la desquamation profonde de la muqueuse buccale. Je peux également recevoir une décharge de chevrotine dans l'oignon depuis la chambre à coucher des voisins et franchir malgré tout le grillage de leur propriété, et ce, le caleçon sur les chevilles. Enfin, je peux manger des yaourts nature jusqu'à deux jours après leur date de péremption. Mais ça, bien sûr, je le fais rarement.

Knight
« Et donc, Jean-Louis, tu me disais que ton Yorkshire n'aime pas la moussaka ? »


Pour ceux qui ont suivi mes pérégrinations et la mésaventure dite « de la flûte traversière » de la semaine passée (http://tinyurl.com/jp3pael), sachez que l'administration bruxelloise a pris la décision de m'enfermer. Laissez-moi vous raconter le déroulement des évènements.

Immobilisé par les forces de l'ordre, je fus immédiatement conduit au tribunal de Molenbeek où le juge des comparutions immédiates voulut en savoir plus sur mon cas :

- Pourquoi êtes-vous là ? demanda-t-il, avec une morgue toute bernardhenrilévyenne. Vous aviez prévu d'atomiser l'Atomium ? De mettre une couche au Manneken-Pis ? Vous mettez du ketchup dans vos galettes-saucisses ?

- Woh, ça va pas non ?! Et pourquoi pas de la mayo ? J'en sais rien moi de pourquoi je suis là. Et puis elle est trop vaste votre question. Je suis là, sur Terre, parce que mon père est un sacré baratineur et que ma mère supporte pas le bruit. Je suis là, en Belgique, parce que je trouve le néerlandais incroyablement sexy et que je fais une allergie aiguë aux rayons UV. Et enfin, je suis là, dans ce tribunal, parce que j'adore ces moments où je suis menotté en compagnie d'hommes coiffés de perruques blanches poudrées. Tu vois ce que je veux dire mon chou ? conclus-je en lui envoyant un baiser.

Bim, un mois ferme.
Pays de l'humour, mon cul.
Qu'on se le dise, dans la vie, celui qui a raison, c'est pas celui qui tient le Colt, c'est celui qui possède le petit marteau en bois à la con.


Quand la clé de la cellule tourna dans mon dos, je compris d'emblée que mon colocataire n'était pas du genre à faire la vaisselle pour deux. L'occupant des lieux, une sorte d'Averell Dalton qui aurait pété toutes les caillasses du pays avec une pioche en fonte de trois tonnes, me dévisagea l'espace d'un instant qui dura trois heures. Sans cligner des yeux. Sans broncher. Mais en émettant, par intermittence, des brames inquiétants. C'est bien simple, j'exerçai sur lui une fascination équivalente à celle d'un salon de coiffure du XVIème arrondissement sur Laurent Delahousse.

Coupé du monde, avec pour seule compagnie un bidet bouché, le gris sale des murs et donc le fruit gargantuesque de l'union incestueuse de Franck Ribéry et de sa sœur, je décidai de mettre cette parenthèse à profit en tentant de ressasser les derniers buts marqués par mon Stade Rennais adoré. Mais la mémoire humaine – tout comme la technique de Cheikh M'Bengue – a ses limites. Du coup, pour m'occuper, je songeai plutôt aux lois fondamentales de la physique ; à l'accélération de la pesanteur, par exemple. C'est tout simple : dans un repère géocentrique, deux corps vont s'attirer selon une force qui va dépendre de leur masse. À vue de nez (tiens, cette expression me fait penser que Zlatan doit avoir une sacrée bonne vue), j'estimai le poids « P » de mon camarade de cellule à environ 2,3 kilonewton. (Pour rappel, à destination de ceux qui glandaient en cours de physique, P = m.g, où « m » est la masse en gramme et « g » la constante d'accélération en mètre par seconde par seconde ; constante que l''on peut arrondir à 9.8m.s-2 sur Terre, mais je suis bien d'accord avec vous, on s'en bat l'œil, et tout ceci n'a absolument rien à faire ici. Et ça va vous sinon ?).

Bien au fait des principes qui régissent les mouvements de notre univers, c'est sans grande surprise que je vis Averell s'ébrouer enfin et me demander d'une voix digne du chanteur de Rotten Skunk of Purulence Metal :

- File-moi tes chaussures !

J'aurais aimé lui murmurer à l'oreille que lorsque l'on a enduré le Stade Rennais pendant près de vingt piges et, qu'a fortiori, on est étranger à la nociception, les menaces des armoires à glace – toutes virulentes et patibulaires soient-elles – on leur donne autant d'importance qu'aux messages lugubres des paquets de clopes « Un fibrosarcome tu dis ? Waw, ça fait peur. T'as du feu ? ».

- Tu veux pas plutôt mon slip ? m'entendis-je lui répondre.

La brute me tira violemment par la manche, déchirant ma chemise. Je ramassai mes bras autour de ma tête afin de parer les coups, mais rien ne vint. Au contraire, je vis le monstre reculer pour se blottir dans le coin le plus reculé de la pièce. Il se mit alors à geindre, à implorer mon pardon, ma compréhension, mon absolution, ma mansuétude, ma…

-    Onze lettres.
-    Pas mieux.
-    Allez-y.
-    Magnanimité.

* Public qui applaudit *

… ma magnanimité.

Bon, dans les faits ça sonnait plutôt comme ça : « Gniouuuurf, pas taper, pardon, je savais paaaaas, je savais pas, pardooooon ! ».

- Tu savais pas ? Mais tu savais pas quoi, misérable fiente ? fis-je, gonflé d'une assurance feinte (cette réplique vous est offerte par l'association « Les anagrammistes farfelus »).

- Ça, là, rétorqua-t-il, en désignant mon tatouage de son index tremblant.

Incrustées à l'encre noire sur mon épaule gauche, deux hermines se faisaient face, un ballon de football dans les pattes. Sous elles, menaçante, la mention « Stade Rennais Football Club 1901 » dissipait les derniers doutes. L'épiderme en étendard ; le cuir comme dernier avertissement avec ce blason qui ferait couiner le plus endurci des Hells Angels. Car oui, je fais partie de la caste des damnés. Oui, je suis le serviteur stipendié de la malédiction. Oui, je cale mon pas sur celui de la désolation. Oui. Je suis un Roazhon Cursed.

Démasqué, je m'avançai vers le geignard, tout pisseux dans son marcel raidi de crasse. La pathétique montagne, déjà bien érodée, s'affaissa encore sous mon ombre. Je m'accroupis à un bon mètre de lui, mais avant que je pusse faire montre de la moindre tendresse, un gardien – sans doute averti par quelque caméra de surveillance logée dans les faux-plafonds – se rua sur notre geôle, hurlant des ordres confus. Je m'allongeai paisiblement ventre contre terre. Le froid du ciment griffa mes sens. Quand je levai le cou, les lèvres ourlées autour d'un sourire carnassier, mon codétenu lâcha les dernières amarres de sa dignité, ses fripes assombries par une flaque azotée aux relents doucereux.

Prison
« Plein de charme, à deux (bons) pas du métro, cette petite studinette saura vous séduire (prévoir travaux et pièges à rats) »


On me transféra.

Ma réputation me précéda au sein du quartier de haute-sécurité de Bruges, prison la plus surveillée du royaume. En ces lieux troubles, où se côtoie la lie du crime et du grand banditisme j'allais frayer avec les bracos de haut vol, les délinquants sexuels, les meurtriers, et les détraqués qui posent le couvercle sur le pot de Nutella sans le visser et que-quand-toi-tu-veux-le-saisir-il-te-glisse-des-mains-et-se-répend-au-sol-dans-un-millier-de-tessons-gluants, mais qu'on crame ces tarés ! Merde !

D'entrée, inquiets du chaos que je pourrais faire régner, on m'installa dans une cellule plus confortable que bien des appartements de banlieue : canapé, télé avec chaines sportives, bidet non bouché. Byzance ! Enfin, peut-être pas. Plutôt Constantinople en fait. Mouais, nan, plutôt Istanbul finalement. Ouais, voilà, un quartier décent d'Istanbul. En prenant possession de ma nouvelle demeure, je m'exclamai donc « Quartier décent d'Istanbul ! » ce qui, je vous l'accorde, sonne bizarrement.

Très vite je compris que je devrais tirer mon épingle du jeu dans ce nid de guêpes. Aussi, portai-je uniquement des T-shirts laissant apparaître le tatouage de mon clan. Tous baissaient la tête sur mon passage, des golgoths néonazis aux géants des gangs latinos. Même le nain, sorte de mascotte locale, et condamné pour une complexe histoire de comptes de campagne, inclinait la nuque sur mon passage, ce qui – vous l'admettrez – est un foutu non-sens.

Seul un pensionnaire refusait de se soumettre à mon autorité sourde, un certain « Cam ». Profitant de la promiscuité du réfectoire, je demandai au nain l'identité de ce rebelle :

- Dis-moi, Niko, c'est qui ce type chauve qui me reluque comme on mate un pole dancer dans un conclave ?
- Lui, boss, c'est Cam ! C'est lui qui chapeautait la boutique avant que vous ne débarquiez.
- Hum. Et Cam, c'est pour Camille ou Kamel ?
- Nan, c'est pour Cuillère À Melon. Le mec a dézingué toute sa famille avec une cuillère à melon et en a fait des sortes de petits sorbets qu'il a vendus sur le marché de Saint-Gilles. Il est pas très aimable.

Je plaquai un regard glaciaire sur le coquelet déchu, comme un miroir à son irrévérence. L'autre ne se démonta pas. Le jeu aurait ainsi duré des heures si un larbin ne m'avait glissé à l'oreille : « 1-0 pour Caen. Match terminé. » De rage, j'enfonçai six ou sept fois la fourchette dans le dos de ma main. Insensible à la douleur, je vis nettement mon adversaire fléchir sous cette démonstration de folie furieuse.

C'est ainsi que je gagnai le respect absolu de cette faune ceinte de quatre miradors.

La veille de ma libération, je notai toutefois des signes avant-coureurs d'une impertinence sous-jacente. Je mis ceci sur le compte d'un départ imminent qui déliait les langues et distendait les laisses. Il n'en était rien.

Un nouveau cador venait de faire son entrée dans la cour.
Tandis que je récupérai mes effets personnels au sas de sortie, je croisai mon successeur. Pas de doute, les types restés à l'intérieur allaient sérieusement en chier.

Des yeux torves.
Une lenteur terrifiante.
L'air de soumettre jusqu'à l'atmosphère alentour.

Et sur son biceps gauche, à l'encre fanée, un tatouage du Téfécé.




Et puisque rien ne nous arrêtera avant la mort, voici quelques commentaires badins sur notre adversaire du soir : le Téfécé ; club d'une ville où le raffut est plus à chercher du côté de l'ovalie que du côté de fans violets saoulés jusqu'à la lie.


- Il se dit que le personnel en charge de la sécurité du Stadium vient régulièrement se former en Belgique, pays pionnier pour tout ce qui touche à l'interdiction des Ultras Violets.

- Les footeux de la ville rose jouent donc en mauve ; tout comme ceux d'Anderlecht. C'est toutefois plus logique pour ces derniers, personne ne voulant être un Flamand rose.

- Si les joueurs de Toulouse sont mauve et blanc, les nôtres sont mauvais… tout court.

- En revanche, leur équipe en rouge et noir rafle tout. On devrait peut-être se mettre au rugby. Surtout que M'Bengue a déjà commencé les drops.

- Un match Toulouse-Rennes, c'est le paradoxe du chat beurré appliqué au football (http://tinyurl.com/z6txz77). https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_ … ed_cat.png

- « Arribagé », ça me fait penser à une petite souris mexicaine qui aurait réussi une interception. Voilà, débrouillez-vous avec ça.

- To lose, to lose… Le dire, c'est bien. Le faire, c'est mieux. Mes petites Occitanes, vous risquez d'être surprises par le Stade Rennais.

- Vous le savez, n'allez surtout pas demander un pain au chocolat au boulanger du coin, on vous pourrira comme le premier Parisien venu. Pour vous donner une idée, ça leur fait le même effet que « crêpes salées » chez nous.

- Car oui, on dit « chocolatine ». En revanche – et pour être exhaustif sur tout ce qui à trait à la pâtisserie, la viennoiserie et les mignardises du sud de la Garonne –, « croissant » se dit « croissant », « pain aux raisins » se dit « paing aux raisings », et « une bien cuite s'il vous plaît » se dit « cette chèvre de Jean-Armel me semble hors de forme ».

- Jean-Armel Kana-Biyik, Étienne Didot, Tongo Doumbia… Ça fait plaisir de voir que nos anciens joueurs peuvent aussi être mauvais ailleurs.

- Tiens, d'ailleurs, je suis certain que Jean-Mamelle vote Alain Juppé, maire de Bordeaux. Il a toujours eu le sens de l'à-propos, ce jeune trublion.

- Le tèf prend but sur but. Quarante-cinq en tout. Pour stopper l'hémorragie, il leur faudrait un mec à temps plein ; une sorte de noue-garrot.



Allez, c'est tout pour moi.
Et quoi qu'il arrive, souvenez-vous :

« It's fun to lose and to pretend »

… nous touchons au Nirvana.

Vive la vie.
Vive le palm muting.
Vive les hiboux qui ne sont pas ce qu'ils semblent.

Love.

K.

#15 Re: Jour de match » [27e journée] Stade Malherbe de Caen 1 - 0 Stade Rennais » 21-02-2016 10:07:56

CAEN - RENNES

Memento Mori  – For Whom The Bell Tolls – Que Roazhon Le Toxin



Previously on the « Stade Rennais Show » :


Au rayon des exploits du genre humain, tenir plus de quinze minutes devant un match du Stade Rennais sans se mettre à baver sur sa chemise en rêvassant à Emily Ratajkowski devrait être classé numéro un ; bien au-dessus de trucs tape-à-l'œil comme élaborer un vaccin contre le VIH, développer une énergie propre illimitée, ou bien encore garantir l'accès universel à l'eau potable. De toute façon on sera morts dans quoi, cinquante piges ? Autant aller à l'essentiel. Vous ferez vos éoliennes à la con et vos steaks au tofu quand j'aurai gagné un titre.

Dans mon univers footballistique, on tombe si souvent dans les bras de Morphée que le type est devenu ipso facto le meilleur haltérophile de l'Olympe. Une espèce de Jason Statham de l'onirique.

Ceci étant dit, imaginez un peu tenir quatre-vingt-quatorze minutes et trente-sept secondes devant une version alentie et sclérosée du Rennes-Saint-Étienne de la semaine passée ; un vendredi soir ; après la semaine de boulot et l'apéro ; avec un adversaire qui ne va pas cadrer un seul tir ; avec une lassitude de toute chose digne d'un malade en locked-in syndrom. Vous voyez un peu le délire.  Là, clairement, nous explorons les zones inconnues de l'ennui ; nous sommes les pionniers du néant, les cosmonautes de l'absence, les défricheurs d'un vide toutefois insuffisamment absolu pour étouffer nos cris de frustration.

http://thefilmfatale.me/post/83894664912

Quatre-vingt-quatorze minutes et trente-sept secondes ! Pour que vous vous fassiez une représentation concrète du truc, il s'agit d'une durée qui permettrait d'écouter vingt-six fois de suite la 'chanson' « Je veux » de Zaz. « Permettrait », j'insiste sur le conditionnel. Pour info, au-delà de trois écoutes successives, on assiste à des saignements de nez, des atteintes profondes du système conjonctif avec perte de l'intégrité endothéliale : des symptômes équivalents à ceux des pires toxines ou d'Ebola.

Vingt-six fois.
D'affilée.
Zaz…

Les mecs font les balances de ses concerts en attaquant des plaques d'acier à la scie circulaire tout en se raclant les ongles sur des tableaux noirs.
«  Eh Philou, tu te rappelles de Jean-Mi ? Mais siiii ! Celui qu'était sourd comme un pot et passablement con. Ouais, celui-là. Et bah il est devenu prof de techno le mec. Je l'ai croisé en ville avec une scie et un tableau noir. Son propre tableau… C'est la dèche quand même l'Éducation nationale. »

Bref. Quand on a résisté à ça, je vous assure qu'on aborde l'existence avec un tout nouveau relativisme. « T'as plié la bagnole ? Pas de souci, on est assurés ». « Tu me quittes pour mon frère ? C'est bien, t'auras pas à changer de nom. ». « La petite a une leucémie ? On est jeunes, on est fera d'autres. Et puis franchement, elle était pas fute-fute. ».

Chaque personne se retrouvant par erreur devant une performance de la bande à Danzé devrait avoir droit à un Nobel. Pas le prix prestigieux, pour chauves impuissants hypersébaciques. Non, non. Quand je dis « Nobel », je pense plutôt au bâton de dynamite pour se faire péter et interrompre la torture.

C'est toujours la même image qui me vient en tête quand j'imagine un type qui tomberait – sans y être préparé – sur un match de nos pousse-ballons brétilliens : celle du mec en slip, une brosse à chiottes à la main, catapulté au beau milieu du Verdun de 1916 : « Et bon courage ducon ! ».


J'étais donc chez moi, paré à subir les outrages dus à ma condition de Dembéléïnomane, le taux de caféine dans mes veines équivalent à celui d'un actionnaire Nespresso enfermé depuis trois mois dans une usine de torréfaction, lorsque j'allumai la télé. Je tombai, en recherchant la bonne chaîne, sur les incubateurs à paludisme de Koh-Lanta, jalousant leur confort et leur sérénité. « Y'a Jessica qu'a bouffé tout le riz. Et puis Françoise a cagué trop près de la cabane, ça attire les varans. Kevin ! Arrête de t'épiler avec la machette ! ». Quelle bande de veinards…

Ayant sous-estimé le pouvoir hypnotique d'un mâle adipeux occupé à étêter ses follicules pileux en devisant sur les meilleurs moyens de stopper une diarrhée, je pris le match en cours, manquant les dix-sept première minutes. Enfin sur le bon canal, le premier commentaire que je perçus de la part du speaker belge fut : « Toujours autant d'imprécision technique de part et d'autre ». Je vous promets qu'une phrase comme celle-ci, émanant d'un type qui doit se fader des Lokeren – Westerlo tous les week-ends, prend une dimension très peu réjouissante.

Mais j'avais décidé que je regarderais ce match. C'était dit : rien ne me ferait dévier de ma trajectoire. Aussi, j'assurai ma position sur le canapé, prêt à en découdre. Absolument rien ne viendrait se mettre entre mon onze de rêve et moi. Allez-y les mecs, montrez-moi ce que vous savez faire.

C'est la sonnette qui me fit émerger à la 87ème minute.

La flaque de bave à mes pieds avait certainement commencé à goutter au plafond de l'appart' du dessous. J'avais une tranche de pain de mie collée à la joue. Trois chats sauvages lapaient des rillettes de thon chues de mon frigo ouvert. Un couple de pigeons avaient niché sur l'applique murale et commencé à propulser des fientes un peu partout, de l'ampli Fender à mon exemplaire usé de « Gérer ses pulsions meurtrières pour les nuls ». 

318634PLN.png

La routine.

La sonnerie à la porte se faisant insistante, je me décidai à aller ouvrir. Sur le palier, une délicieuse jeune femme remua les lèvres sans pourtant émettre le moindre son. De prime abord, je me crus devenu sourd, envisageant une toute nouvelle carrière de régisseur pour Zaz, lorsque je réalisai en fait que James Hetfield gueulait comme un putois des « Die by my hand » un peu anticipés pour une première rencontre. Je filai lui couper le sifflet et revins bien vite sur la pas de ma porte écouter ce que cette jolie brunette avait à me raconter :

– Bonjour, désolé pour le boucan, débutai-je, soucieux de repartir du bon pied.
– Bonjour, oui. Euh… Vous avez quelque chose collé sur la joue.
– Ah ? Ça ? Ce n'est rien, fis-je en croquant à pleines dents dans ma tartine. F'est le Ftade Rennais, n'y faites pas attenfion.

Je vis passer quelque chose comme un mélange de terreur et de fatalité dans ses iris bleutés.

– Je suis Marie, votre nouvelle voisine du dessus, et je voulais juste me présenter et vous demander, si c'était possible, de baisser un peu le volume de votre musique. Je ne m'entends pas jouer de la flûte.
– Traversière ou à bec ?
– Pardon ?
– La flûte. Traversière ou à bec ?
– Traversière… Pourquoi ?
– Hum, comme ça, un vieux contentieux entre le collège et moi. Dites, on peut aussi faire des mi aigus dégueulasses avec une flûte traversière ?
– Euh, oui, certainement. Je vais devoir vous laisser. S'il vous plaît. Pitié.

Et elle s'enfuit en courant dans la cage d'escalier.

James-Hetfield-aggressive.jpg
« Toutes les feeeemmes sont beeelleuuu »


Ravi d'avoir marqué des points auprès de cette beauté, je regagnai mes pénates, remarquant alors que les pigeons avait dû également passer un moment sur mon épaule gauche. Qui suis-je, après tout, pour contraindre un animal à se retenir, pour aller à l'encontre du bien-être aviaire ?

Je me rassis confortablement et… non… mais… QUOI ? C'était bien une tête de Danzé que je viens de voir ?! Une tête cadrée ?! Bordel, mais il se passe quoi ici ? Je me précipitai à la fenêtre pour m'assurer de la présence du ciel, des passants, des trottoirs. Pour être bien certain de ne pas être en plein trip. Dans la rue, un jeune con donna un coup de pied à un clochard. Ouf, pas de doutes, on est bien sur Terre.

Sur la dernière action, le ballon de corner de N'Tep, dévié par André vient percuter le dos d'un défenseur du SCO et finit sa course dans les filets. 1-0. Coup de sifflet final.
À la fin du purg(e)atoire, un Ange Vint.
Alléluia.
Gloire au football, encore et encore vainqueur ce soir.

Mais pas le temps de me réjouir, la sonnette retentit à nouveau. Je file ouvrir à ma nouvelle « girl next door » préférée. Elle se tient anormalement loin du pas de la porte. Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit. Un flic se dessine dans l'encadrement :

– Ne bougez pas ! me crache-t-il au visage.

Le temps de rassembler mes idées, je convulse sur le sol, une fléchette de taser plantée dans la cuisse.


(À suivre…)



Et puisque rien ne semble altérer la mithridatisation en cours, voici quelques commentaires aigres-doux sur notre équipe à nous : le Stade Rennais Football club qui voit se profiler à l'horizon les boys next door de Malherbe :



- Et encore un pion marqué par notre adversaire dans les arrêts de jeu. Il suffisait de voir les bourrins sur le pré (coucou N'Doye) pour se douter que ça finirait en haras qui rit.

- Giovanni Sio, notre sémillant #9, fera-t-il taire les sifflets face à Caen ? Notre attaquant devrait oublier Rennes quelques temps et plutôt s'inspirer du Roi. Charles #9, lui, au moins, les protestants, il les faisait taire.

- Benoît Costil nous a donc pondu sa 50ème « clean sheet » sous les couleurs rennaises. Pour ceux qui ne parleraient pas Anglais, cela signifie que rien n'a été inscrit sur la feuille de marque ; en gros, qu'il a laissé le papier vierge ; un peu comme une « clean shit » en fait.

- Aucun tir cadré pour le SCO. Imaginez si pendant la Grande Guerre on avait délocalisé les pelotons d'exécutions réservés aux déserteurs à Angers. Ce n'est pas Caen qu'on affronterait demain, mais Braunschweig.

- Yoyo Gourcuff était encore de retour. Si à Rennes on en a marre, ailleurs ce mouvement de marée fait marrer.

- Notre dernier but dans le jeu est celui de Moreira contre Bourg-en-Bresse. Voilà. C'est dit.

- Après « M'Bengue tacle l'enfant prodigue de retour de blessure » ; après « M'Bengue fait annuler un super but de l'homme qui doute plus que Geoffrey Jourdren devant la notice d'un jouet Kinder » ; quelle sera la prochaine aventure de notre arrière latéral préféré ?

-    Il va ruiner Pinault en le convainquant d'investir toute sa fortune dans le « Breizhphone » (avec écran couleur), concurrent direct d'Apple et Samsung ?
-    Il va intoxiquer l'équipe – réunie le temps d'une soirée – en posant sa veste en skaï sur l'appareil à raclette ?
-    Il va éborgner Costil en débouchant le Champagne… avec un pistolet à grenaille ?
-    Il va répondre aux questions des fans (des autres joueurs, hein) sur l'application Periscope ?
-    Il va tenter d'enrouler un centre ?



Allez, c'est tout pour moi.
Et quoi qu'il arrive, restons droits. Nous sommes les fils et les filles d'Alexander.


Vive la vie.
Vive le fartlek.
Vive les substitutions nucléophiles.

Love.

K.

#16 Re: Jour de match » [26e journée] Stade Rennais FC 1-0 Angers SCO » 12-02-2016 18:47:54

Eheh.
Elle était pas évidente à trouver pourtant.
Bien joué.

#18 Re: Jour de match » [26e journée] Stade Rennais FC 1-0 Angers SCO » 12-02-2016 11:33:42

RENNES - ANGERS

Aut Vincere Aut Mori – Kit ou double – Die Another Day



Previously on the « Stade Rennais Show » :

Il est des moments dans la vie où l'homme moderne, le mâle, le père de famille 2.0 se doit de réagir avec promptitude; une qualité qui permit à ses ancêtres de transmettre leurs gènes en évitant la dent affutée du Smilodon, la fourbe baïonnette teutonne, ou l'abrutissement lénifiant des programmes télé d'Arthur.

Par définition, les plus grands dangers surviennent toujours au moment où l'on s'y attend le moins : quand on attaque sévère dans le virage, que le cale-pied frotte un peu et qu'une laie de cent kilos et ses trente-sept petits marcassins décident justement d'aller tailler le bout de gras chez les voisins qui – pas de bol – habitent de l'autre côté de la route. Ou bien encore lorsque l'on attaque dans la ligne droite, que les pieds frottent un peu et qu'on vous sort inopinément « Euh, tu te rappelles si j'ai pris ma pilule hier soir ? ».
Le secret ? Être réactif.

J'en étais là, tout juste sorti de l'hôpital psychiatrique, parfaitement rétabli et occupé à publier les numéros de portables des plus éminents membres de la Brigade Loire sur des sites de rencontre gays libertins (un jour je vous raconterai comment je me suis procuré cette liste), quand ma chère et tendre me susurra d'un air débonnaire :

- Dis-moi, on irait bien chez Ikea demain ?

Zoom sur mon visage. Travelling arrière en accéléré sur le décor alentour. Perle de sueur qui roule sur ma tempe. La petite voix dans mon crâne qui me prévient : « Là, mon pote, c'est pas bon. Pas bon du tout. »

Réagir.
Vite.
Trouver quelque chose.
N'importe quoi.
Et le trouver maintenant !

- Ah, mais je t'ai pas dit pupuce ?
- Bah, non, quoi ?
- Demain, je peux pas.

Regard soupçonneux, limite accusateur, limite juge de régime Nord-Coréen :

- Et pourquoi donc ? me demande ainsi ma chère et déjà beaucoup moins tendre.
- Demain… c'est… hum… c'est…
- Oui ?
- C'est… Euh… Lille-Rennes ! Ah oui, c'est ça ! C'est Lille-Rennes ! Tu comprends, j'en profite ; c'est certainement le seul match du Stade que je verrai cette année. Et puis mon pote des Cahiers du Foot vient de rentrer du Mexique et il est justement de passage à Lille ; il squatte chez une copine (je pense qu'ils fricotent ensemble maiscépaçalaquestion) alors bon, ça fait d'une pierre trois cou… deux ! Ça fait d'une pierre deux coups.

Je fais mon plus joli sourire de faux-cul tendance béni-oui-oui avec obséquiosité dégoulinante :

- Tu comprends, hein, pupuce ?
- Hum…
- Tu le sais, j'aurais adoré passé un dimanche après-midi avec toi à suivre des crétins obèses en file indienne dans un show-room surchauffé, leur T-shirts gris maculés d'auréoles de sueur et de taches de gras dues à des sandwich « gastro » (http://tinyurl.com/bsc7e52). J'aurais été ravi de piétiner des heures durant entre le canapé réversible nocnütseahcoräd et la table basse Olabelfistül les oreilles vrillées par des mioches geignards et des disputes conjugales, mais bon, l'amitié, c'est précieux. C'est rare. C'est fragile. Non ?
- Hum.
- Super !


monter-un-meuble-en-kit.jpg
"Monter ce machin ? Aller me pendre ? Rah... j'hésite."

C'est ainsi que le lendemain midi, je me retrouve endimanché, mon maillot rouge et noir à 175€ sur les épaules. Je sais, 175€ c'est cher, mais le flocage est facturé à la lettre, alors « Des Nantais j'en fais deux chaque matin », forcément, ça douille. Bien installé derrière le volant du Scénic III – avec radar de recul intégré et détecteur de pluie –, je sillonne les belles routes du royaume de Belgique tâchant d'éviter les nids-d'autruche, les pneus crevés, les carasses de voitures abandonnées, les familles qui campent sur la voie de gauche, et tout ce que ce merveilleux pays compte d'objets désireux de venir fracasser mon pare-brise.

Les haut-parleurs me crient leur noir désir :

« Soyons désinvoltes. N'ayons l'air de rien. »

T'es gentil Bertrand, mais je suis supporteur rennais, alors la désinvolture, je l'élève au rang d'art de vivre. Quant à « avoir l'air de rien », euh, comment te dire ? Je porte du polyester rouge brillant et un gros logo blanc « Samsic », alors hein, bon, tu peux mettre une sourdine. Le Rouge et Noir désir, je maîtrise. Va plutôt chez Ikea au rayon table basse. Ah, merde, non, pas toi.

Les kilomètres défilent, je passe la frontière comme le premier Salah Abdeslam venu et me voilà en approche de la capitale des Flandres quand soudain un gros soubresaut secoue l'habitacle. Aussitôt, un message d'alerte s'affiche sur le tableau de bord : « Risque casse moteur / Vérifiez injecteur / Arrêtez-vous de suite / Mangez cinq fruits et légumes frais / N'urinez pas sous la douche ».

Youh ouh…

Je suis Abraham. Dieu me teste : « Sacrifieras-tu ton moteur diesel pour voir ton équipe favorite l'emporter ? Ta foi brétilienne est-elle assez forte ? ». Je suis l'humble brebis de Dieu. Je suis sous Sa coupe. Je me remets à Lui. Ouais, bon, je suis surtout un gros branque qui a la flemme d'appeler un dépanneur. Du coup, je continue. Mon bolide broute comme le premier Cheikh M'Bengue venu, je ne dépasse pas la vitesse de Sylvain Armand un lendemain de raclette, mais je boucle le trajet tant bien que mal, me stationne sur le plus proche parking et rejoins le Stade Pierre Mauroy au plus vite.

Le_corniaud_photo_1.jpg
"Ranafout' je finis à pied s'il le faut"

Quand j'arrive devant la porte L, un attroupement de jeunes Lillois alcoolisés et un peu benêts (bam ! j'invente le double pléonasme) m'interpelle en reconnaissant ma tunique chamarrée :

- Woh ! Y joue quand Gourcuff ? Eh ? Rennais ? Y joue quand Gourcuff ?
- Quand le fion de ta sœur passera les portiques de sécurité.
- De quoi ?
- Quand le jugera bon le staff médical et l'équipe du kiné
- Ah. OK.

J'aperçois alors mon pote et son amie qui viennent à ma rencontre. Après de chaudes effusions, typiques de deux bretons qui ne se sont pas vus depuis des années : « Salut ! » « Ouais, salut », nous rejoignons nos places derrière le but.

À peine le temps de dire ouf, je suis victime d'un selfie qui se retrouve instantanément diffusé en quatre par trois sur l'écran géant ; publié sur Facebook, Twitter, Instagram, ainsi que sur tous les autres réseaux sociaux du monde. Je réalise alors que je n'ai pas choisi le bon moment pour éternuer : la photo me rend un hommage équivalent à celui d'un écologiste wallon à l'enterrement d'un chasseur flamand.

Je prends une grande inspiration et le match démarre…pour les Lillois. Les Rennais, eux, sont bien présents sur le terrain, mais ils ont visiblement mieux à faire que de jouer au foot. Honnêtement, ils ne seraient pas en short-crampons, j'aurais demandé à ce qu'on évacue ces onze pauvres malvoyants.

Nous sommes tellement mauvais que c'est Habibou qui marque. Ah, juste un truc : il marque pour le LOSC et sous un autre nom : Eder. Le type n'avait plus inscrit de but depuis l'invention de l'écriture, mais il a eu besoin de 40 minutes pour nous déflorer. Parfait. On a atteint un tel niveau défensif, nos adversaires aligneraient Giscard d'Estaing en pointe, on en prendrait quatre.

La seconde période est de meilleure facture. Touchés par la grâce, nos vaillants footballeurs rouge et noir vont même – sous le coup d'une inspiration divine – produire une séquence de sept passes consécutives. Sept !

Par chance, les nordistes vont alors connaître le syndrome de Derrick. À trop regarder les Rennais « jouer », leurs adversaires vont tomber dans un état de semi-somnolence. Paul-Georges en profite pour accélérer. Réveillé par ce déplacement soudain, Soumaoro dézingue notre ex-future star. Pénalty. Dembélé, notre future ex-star, transforme. 1-1. Je me mets debout sur mon siège, reçois une bordée d'injure, distribue les remerciements à tire-larigot. Terminé, bonsoir. Merci messieurs. Vive le football, encore vainqueur ce soir.

Je tape une bise à mon camarade et à son plan-c… et à son amie, lui assure qu'il vaut mieux que tous les canapés réversibles du monde. Il ne comprend rien à ma remarque, me tape sur l'épaule et me dit à bientôt.





Ah, et puisque rien ne semble pouvoir nous faire renoncer à la souffrance éternelle, voici un unique commentaire sur notre adversaire du soir ; celui qui fait une saison exceptionnelle et qui finira treizième : le SCO d'Angers.

- "Rennes - en G, dites-vous ?" Facile : Guigne.


Allez, c'est tout pour moi.
Et quoi qu'il arrive, restons fiers, le Grand Soir approche.


Vive la vie.
Vive le gymkhana sur la Gineste.
Vive le second souffle.   

Love.

K.

#19 Re: Jour de match » [25e journée] Lille OSC 1-1 Stade Rennais FC » 06-02-2016 23:48:38

LILLE - RENNES

Fluctuat et Mergitur – Il Flotte, On Coule – Rain and Pain


stethoscope.jpg

*Bip… Bip… Bip… Bip…*

Je suis dans une voiture. C'est une 205 grise dont le pommeau de levier de vitesse est égratigné. Il fait froid, il y a de la buée sur les vitres et mes mains sont rougies, engourdies. Au loin, j'entends le brouhaha de mes amis, ou peut-être est-ce ma famille, je n'en suis pas sûr, la radio couvre leurs timbres. Je me suis éclipsé discrètement. Pas envie de subir les habituels reproches. Évidemment, dans ce coin de cambrousse, on ne capte que les radios nationales, aussi suis-je contraint de patienter jusqu'au « Tour des stades » pour connaître le score. « Et on rejoint l'Abbé-Deschamps pour Auxerre-Rennes. » « Oui Patrick, et c'est toujours l'AJA qui mène ici 2 à 0 après un doublé de Djibril Cissé. Il reste 25 minutes à jouer. » Je tape sur le volant de dépit. C'est arrivé si souvent, j'ai parfois peur qu'il ne tombe pendant que je conduis. Dans la nuit, je vois une silhouette se dessiner qui vient à ma rencontre. Ma copine hausse les épaules l'air de dire « Alors, tu fais quoi ? ». Bonne question. J'éteins l'autoradio et saisis la poignée de la portière, mais celle-ci fond sous mes doigts et tout devient noir.

Quand le monde reprend forme je suis debout, en claquettes, sur une table de jardin branlante. Un des pieds a glissé entre les lattes de la terrasse en bois du mobil-home, ce qui fait giter le plateau à chaque fois que je cherche à reprendre mon équilibre. J'ai les deux bras tendus vers un ciel bleu perçant, d'une luminosité irradiante, et le lecteur radio-CD me sert de pare-soleil improvisé. Je remarque que son antenne est étrange ; elle est prolongée par une fourchette que l'on a fait tenir en l'enserrant de papier aluminium. Je ne perçois rien d'autre que des parasites tout juste interrompus de bribes de phrases ayant la résonnance caverneuse caractéristique des grandes ondes : « …. ouverture du championnat à Gerland ….. le Stade Rennais mise sur sa……. très ouvert….. » J'essaie de réorienter mon installation de fortune quand je sens le vide m'attirer en arrière. Je tombe. 

635874488671732508-1849730022_Odyssey%20Article%20on%20Dreams%20Image%202.jpg


*Bip… Bip… Bip… Bip…*

« Poc ! » Je repose mon verre de vin un peu trop brusquement. L'ambiance est feutrée. Les serveurs coulissent entre les nappes pourpres de tables rondes, leurs torchons immaculés savamment posés sur l'avant-bras. La roideur de leurs déplacements et leurs visages impavides tentant de nous faire oublier que nous ne sommes ici que pour avaler des morceaux de bidoche hors de prix et de la purée améliorée. Ma compagne, vêtue d'une élégante robe de soirée noire au décolleté provocateur, m'expose avec emphase les détails d'une histoire dont je n'ai absolument rien écouté. J'hoche la tête à intervalles réguliers, espérant que les « hum hum » que j'émets ne tombent pas à contretemps. Bien malgré moi, je suis accaparé par le téléphone posé sur mes genoux. Nantes-Rennes… J'avais pourtant vérifié le calendrier du championnat avant d'accepter ce dîner, mais la Ligue (que les dix plaies d'Egypte s'abattent sur elle ; surtout les furoncles, tiens !) a - au dernier instant - repoussé la rencontre au dimanche. Éprouvée par quinze années de supportariat, ma mascarade passe inaperçue, et il y a toujours 0-0 quand on nous apporte les desserts. J'ai visiblement commandé un machin à l'ananas. Je déteste l'ananas. Ma partenaire le sait. Pourquoi n'a-t-elle rien dit ? Ou peut-être l'a-t-elle fait finalement. Je n'en sais rien. Perdu dans ces réflexions, je reprends ma pantomime. « Oui ». « Bien sûr ». « Non ?! ». « Ah ? ». Pendant un court instant je reviens sur Terre afin de complimenter ma douce sur son époustouflante beauté, et repars dare-dare en mode automate, non sans avoir jeté un coup d'œil au score : 0-1 ! Utaka ! J'explose : « Ouaisssssss ! Putain, ouais ! » Les fourchettes se figent dans une version smoking et talons hauts du jeu un-deux-trois-soleil. Toute l'assistance observe ce jeune con dont la ravissante partenaire sourit. À croire qu'elle apprécie cette réponse de sauvage à sa demander en mariage.

*Bip… Bip… Bip… Biiiiiiiip !!!*

J'étire des paupières de plomb pour découvrir, au-travers d'une fente arrachée au coltard, un trentenaire en blouse blanche. De suite, le type m'évoque l'image que je m'étais faite de Patrick Bateman à la lecture du roman d'Easton Ellis. Une sorte d'Homme de Vitruve choucrouté, les dents trop blanches, le nez trop droit. Un visage déjà vu mille fois sur toutes les plaquettes commerciales du monde - du club de vacances en passant par l'assureur : « Prenez-soin des vôtres en les protégeant des aléas de la vie » ; le genre qui porte des pulls saumon, des chaussures bateaux et qui boit des Spritz en riant très fort. Le genre à peser son pain sans gluten, à ne boire que du lait sans lactose, à ne manger que du chocolat sans chocolat, et à s'évanouir devant un vrai Coca. Le genre chiant.
Il est en pleine discussion avec une infirmière lorsque je m'émerge.

« Il revient à lui. Monsieur, vous m'entendez ? Monsieur ? Vous êtes à l'hôpital. Tout va bien. On vous a trouvé en état de choc à votre domicile.
- Hum…
- Tout va bien. Pas d'inquiétude. Pouvez-vous décliner votre identité ?
- Je suis buteur au Stade Rennais.

Le médecin, s'adressant à l'infirmière :

- Merde. C'est pas bon du tout ça Solange. Il divague complètement.
- Non, je plaisante. Vous voyez bien que je suis un bonobo. J'ai inventé la trayeuse électrique.
- Ah ! Bon. Vous nous avez fait peur, rigole-t-il, infiniment soulagé.
- Dites, je suis resté ici combien de temps ? On est quel jour ? Il est déjà joué le Rennes – Saint-Étienne ? Ça a donné quoi ?

C'est Solange qui me répond :

- Ça a donné qu'il a encore aligné Sylla et Gelson au ramassage des poubel à la récupération.
- Et on a paumé combien ?
- 1-0.
- Oh, c'est tout ? J'aurais pensé plus.
- Oui, enfin, vous savez, les chiffres… On a rapporté des cas de morts spontanées dans la presse. De dépit, des gens ont jeté leurs nouveau-nés par le balcon. On a même accueilli un patient qui avait mangé ses propres yeux en tartare, « à la Montanière » qu'il a appelé ça. Ah, et pendant que j'y pense, si vous tombez sur une vidéo du match, vous êtes dans l'obligation légale de prévenir les autorités. Ils ont monté un site Internet en urgence : www.stop.pablocoreisme.gouv.fr 
- Solange ?
- Oui ?
- J'ai faim ? Vous auriez une banane ?



Previously on the « Stade Rennais Show » :

Pour être honnête, le psychiatre m'avait déconseillé d'écrire quoi que ce fût à propos de ce Rennes – Saint-Étienne. Selon lui, les semaines à trois matches ne sont pas bonnes du tout pour mon « échafaudage psychique ». « Vous devriez plutôt vous mettre au vert », me conseilla-t-il, « cette défaite contre l'ASSE vous a marqué ». Ce à quoi je rétorquai qu'il ne fallait plus jamais évoquer cette couleur verte, ou bien que son stéthoscope éprouverait une toute nouvelle utilité en rapport intime avec son « Ass »  à lui, qui ferait concurrence directe à ses confrères gastro-entérologues. Il n'a pas insisté. Le corporatisme.
Hypocrite d'Hippocrate.
Devant mon ire soudaine, le Roi du Matelas (surnom que je donne à mon expert du divan) a tout de même pu poser son diagnostic : « Vertophobie aiguë à tendance psychotique meurtrière ». En clair, ça va pas fort ; je ne supporte plus d'entendre les phonèmes « V.È.R ». Le simple fait de les prononcer déclenche chez moi une irrésistible poussée de violence qui peut aller jusqu'à me faire siffloter du Emmanuel Moire, lire les billets de Pascal Praud ou même les commentaires des lecteurs sur le lefigaro.fr.

201010251145.jpg
« Hum… Intéressant. Parlez-moi encore de ce Nicolas Fauvergue… »


« Mais je dois parler du match de Lille, docteur. C'est important ! », implorai-je, tandis que mon psy listait les risques encourus à poursuivre dans cette voie :

-    Violence domestique (pour un Rennais incapable de gagner au Roazhon Park, c'est assez cocasse ®)
-    Conversion au Canarisme (courant Nulàchiste du Tropourrisme)
-    Burne-out (variante du burn-out qui consiste à montrer ses testicules de façon incontrôlée ; amusante sur le papier, la pathologie est très difficile à assumer en réunion du comité directeur)

C'est quand il a vu que je risquais sérieusement de lui envoyer une volée de bois rouge, que son altesse de l'édredon m'a finalement donné son feu rouge.
Ah, parce que oui, je remplace désormais tous les sons « V.È.R » par leur équivalent en « Rouge ». Si ça peut m'éviter la prison, c'est toujours ça de pris.
Là, par exemple, je déguste un rouge de rouge très tanique bien qu'un peu rouge à mon goût.

Par ailleurs, si vous souhaitez humer pleinement les derniers relents de ce Rennes-Sainté d'anthologie, l'ami Marco Grossi se fait un plaisir de vous ouvrir la fosse à purin : http://socialroomfc.com/article/l-apres … rco-grossi



Breeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeef ! Faites résonner le Gro Zboub Ma Zadoù !


Puisque rien ne semble pouvoir infléchir la course folle du destin, voici quelques commentaires saugrenus sur notre adversaire du soir ; celui qui a lâché un Renard et qui s'étonne que ça situation sente mauvais.

- Si cette équipe de Lille est vilaine avec notre équipe d'Ille-et-Vilaine, les Dogues ne se mordent-ils pas la queue ? Ah ! #LesQuestionsQuePersonneNePose

- Tiens, on affronte encore un chat noir. On en a plus qu'un mauvais gérant de SPA. Et celui-là est un dogue. Blanc. Normal.

- Étant donné que nous, supporteurs de football, sommes tous de dangereux révolutionnaires meurtriers égorgeurs de chatons en puissance (coucou Larrivé), peut-on quand même chanter notre hymne quand on est Rouge et de Lille ?

- En fait, le LOSC jouera en blanc. Du coup, si on les bat, on aura une équipe de Lille flottante.

- Anecdote : dans la version lilloise du film « Reservoir Dogues », le type se coupe lui-même l'oreille pour ne plus entendre Antonetti gueuler.


388870dog.jpg
« Wouhouh, les copines, c'est Mr. Pink… »


- Je dis ça, mais entendre Fred beugler, c'est ma madeleine de Proust à moi. Ouais, bon, OK, c'est plutôt un bon gros flan de Proust. I miss you Frédo.


Allez, c'est tout pour moi. Et quoi qu'il arrive, restez classes, ce n'est que du foo , c'est Rennes.
https://www.youtube.com/watch?v=q2Xi3ioasik


Vive la vie.
Vive les Vieux Fourneaux.
Vive le Stade Rennais .Partout. Toujours. Hélas.

Love.

K.

#20 Re: Vie du club » Les médias » 04-02-2016 15:13:16

Pas bien certain que ce message ait sa place ici, mais je me lance.

Avec certains camarades de lutte Rouge et Noir, nous animons on nouveau site dédié au Stade Rennais.
Rien qui fasse concurrence à SRO; nous sommes plutôt dans les articles d'avant-matches et les commentaires d'après-matches sur un ton décalé et, avouons-le, un peu acide parfois.

On y trouve aussi des "live-Tweet" des rencontres en attendant de développer d'autres rubriques.

C'est par là que ça se passe : http://socialroomfc.com/

#21 Re: Jour de match » [24e journée] Stade Rennais FC 0 - 1 AS Saint-Étienne » 04-02-2016 12:25:11

@Mugiwara

Tout à fait d'accord.

On paie aussi le turn-over à outrance de Philou là-dessous.
OK, faire tourner permet d'impliquer tout le monde, mais :

1- Est-ce nécessaire d'impliquer des joueurs moyens (suivez mon regard)
2- Ceci implique un manque d'automatismes et de liant

Clairement cette saison est celle du grand gâchis.
Comme un mec à qui tu ouvres les cuisines du Ritz et qui te sert des nouilles à l'eau.

#22 Re: Jour de match » [24e journée] Stade Rennais FC 0 - 1 AS Saint-Étienne » 04-02-2016 12:16:40

Première chose : si on ne gagne pas ce soir, on peut dire adieu à la deuxième place.
Ça semble, de toute façon, déjà très compromis; je ne nous vois pas dépasser Monaco, ce qui est rageant car ils ne semblent pas intrinsèquement meilleurs que nous. Si l'on repense aux points laissés en route (pénos, égalisation de dernière minute...) il y a vraiment de quoi rager.

Au-delà du duo Sylla-Gelson, c'est la ligne d'attaque qui devra faire la différence ce soir :

Ntep - Quintero - Dembélé - Boga

Si on colle pas un pion avec ça, c'est qu'il y a un gros souci d'animation.
Théoriquement, c'est à André d'alimenter ces mecs-là (faut pas trop alimenter Quintero quand même) en attendant le retour de Yoyo.

J'y crois pour ce soir.

Victoire 5-1 !

#23 Re: Jour de match » [24e journée] Stade Rennais FC 0 - 1 AS Saint-Étienne » 04-02-2016 10:07:31

RENNES - SAINT-ÉTIENNE

Festina Lente – Oxymore Is Green – Vert De Rage


Article du quotidien Ouest-France, édition du 2 février 2016 – pages « informations locales »

C'est la stupeur qui prédomine du côté des habitués de la solderie « Le Fatras » après qu'un homme, ce lundi soir, au moment de la fermeture, a menacé le gérant d'une arme de poing. Encore sous le choc, le propriétaire interrogé sur place par nos journalistes confirme la violence de l'attaque : « Il semblait très agité, très confus, avec un collant Hello Kitty sur le visage, mais j'ai senti son haleine de whisky quand il m'a hurlé d'ouvrir la petite vitrine derrière la caisse. » Connu pour ses objets hétéroclites qui font le ravissement des habitants de ce quartier périphérique, c'est la première fois que le commerce se retrouve sous le feu des projecteurs. « C'est tranquille d'habitude par ici », confirme Gérard, client de longue date qui, selon ses dire, (vient) « surtout pour acheter des vieux magazines érotiques, ceux avec des DVD ; ils sont moins chers qu'au bureau de tabac. Ils ont aussi des tabliers de cuisine avec les nichons en plastique qui dépassent. » Très affecté, le commerçant a été dirigé vers l'hôpital Guillaume-Régnier afin de bénéficier d'un soutien psychologique. « J'ai eu une peur bleue ; j'ai vraiment cru qu'il allait tirer » sanglote-t-il, tandis que les ambulanciers le hissent sur un brancard. Une version des faits qui semble néanmoins remise en cause par les premières images de la vidéosurveillance. « Pas d'arme à feu, non » notait ainsi le capitaine de gendarmerie Brouvadier, avant de préciser – de toute évidence gêné – « Il s'agissait en réalité… d'une banane. Trop mûre, noircie : je comprends la confusion. » Impossible, sur la bande vidéo, de distinguer le butin du voleur. C'est un inventaire poussé, mené jusque tard dans la nuit, qui permettra de conclure au vol d'une coupe en plastique doré d'une valeur de deux euros cinquante. À l'heure actuelle, rien ne semble pouvoir aider à identifier le voleur.



Entrefilet du quotidien Presse Océan, édition du 2 février 2016

C'est un acte incompréhensible qui s'est déroulé dans le quartier Malakoff de Nantes. Tard dans la soirée de lundi, un jeune supporteur de la Brigade Loire, rentrant du stade la Beaujoire où il a ses habitudes, a été contraint par un homme cagoulé et armé d'un étrange pistolet à ouvrir la porte de son appartement. Une fois sur les lieux, l'homme aurait alors contraint sa victime à avaler un puissant somnifère. Selon les premières constatations de la police, aucun bien de valeur n'aurait été dérobé. Les rapports médicaux, quant à eux, semblent conclure à l'absence de violences physiques à l'exception notable d'un trophée en plastique collé à même la peau des fesses du jeune supporteur. Une histoire qui restera probablement inexpliquée, aucun indice exploitable n'ayant pu être relevé sur place.



Grumpf !

Je tiens d'abord à préciser que ce n'était pas du vulgaire « whisky », c'était un Bourbon vingt ans d'âge que je fais importer directement du Kentucky grâce à un petit producteur local que j'avais rencontré lors d'un voyage initiatique aux Etats-Unis tandis que j'étais en quête du sens de la vie. De ce voyage j'avais rapporté deux conclusions :

- La vie n'a absolument aucun foutu sens.
- Les fennecs ne sont pas de mignons petits chiots sauvages, mais des espèces de mutants mi-pitbull, mi-renard, mi-saloperie qui courent plus vite que le plus motivé des Sapiens.

Bon, en revanche, c'était bien un collant Hello Kitty. Nous vivons une époque où les gens identifient plus facilement les logos que les spiritueux. L'humanité est condamnée.

Je le concède volontiers : j'ai craqué. J'avais pourtant passé une semaine plutôt tranquille jusque-là : une souplesse arrière sur une pervenche récalcitrante, deux nuits en cellule de dégrisement (le flic en faction a reconnu le Bourbon, lui), et une volée 4-0 au Pingui Atlantique pour boucler tout ça. Parfait.



« Quelques malentendus seulement, des histoires, des histoires… »



catch
"Quoi ?! 17 euros d'amende ?" (http://farm6.static.flickr.com/5129/522 … 539f_o.jpg)


Autant dire que j'étais chaud-patate en attaquant la semaine ; tendu comme un salafiste devant Monique Ranou en string chantant la gloire éternelle de l'Iran. Le moment était donc parfait pour accueillir un nouveau collègue tout droit débarqué de la ville en « N » qui a tout de même attendu 7 minutes avant de me lancer sur le thème breton. Faut pas me lancer sur le thème breton les lendemains de défaite. Faut pas me lancer sur le thème breton. Faut pas me lancer. Faut pas. Pas !
De mémoire, j'ai dû conclure cette discussion un chouia animée par un truc du style : « Oui, effectivement, le château des Ducs de Bretagne se trouve dans votre ville moisie, mais à l'époque où ils vivaient dedans on allumait des feux avec des silex et on bouffait des ragondins grillés en leur enfonçant des branches taillées en pointe dans le fion. Alors t'es gentil mais t'es autant Breton que moi je suis danseuse au Lido ! » Une tirade – vous l'admettrez volontiers – fort inspirée, qui me valut pour toute réponse le sempiternel « Oui, mais nous, on a un palmarès ».
Avec du recul, je crois que c'est à ce moment-là qu'un truc a flanché dans mon esprit. J'allais rétorquer « Votre palmarès, vous pouvez vous le coller au #&§ ! » quand je me suis dit que le mieux n'était peut-être pas de le dire, mais bel et bien de le faire.

C'est fait.


Previously on the « Stade Rennais Show » :

Dans le couloir qui conduit au pré, on roule des épaules, le torse bombé, gonflé d'une invincibilité à l'extérieur qui dure depuis des mois. Les blessés sont de retour, la sentinelle Mexer veille, le feu-follet Dembélé s'apprête à virevolter. Benoît Costil, ce bel homme, darde des yeux impénétrables sur son homologue, malingre pantin condamné à subir la furia qui s'annonce. Aux côtés des rouages alignés de cette implacable machine rouge et noir s'étire, inconsciente, la pâle chenille bordelaise. Les mines girondines sont basses ; pathétiques. Dans leurs esprits obnubilés défilent des images saccadées de petits-ponts, de coups de reins de Rennais indomptables. C'est avec une gravité de mise que l'arbitre siffle le début de cet affrontement qu'il sait joué d'avance, presque dangereux.

Et bim, le baobab dans la tronche, l'éléphant et la moitié de la savane avec !

C'est kiki l'avait vu venir la tôle qui nous renverrait dans les méandres infinis de la médiocrité ? C'est bibi. M'en fous, j'avais mis mon casque. Eh, oh ! Tu vas pas me faire le coup du match charnière à moi, non ? Quinze ans de maison, alors à d'autres tes attitudes de mijaurée. J'ai tout de même une pensée émue pour les mecs qui débutent en Stade Rennais : courage les poulets. Courage.
Pour ceux qui aiment la douleur, le résumé du match par Marco Grossi est dispo ici : http://tinyurl.com/z6yoaqx


En ce qui me concerne, le live de la rencontre a ressemblé à ça :

« Chérie, il va être l'heure de rejoindre la panic-room ; tu prends de quoi boire et manger, et tu n'ouvres pas la porte avant que ce soient écoulées les 110 minutes. Tu connais la procédure. Ah, et si tu entends des bruits étranges à-travers le triple blindage d'acier-kevlar – genre hurlements de bête – tu ne fais pas la même erreur que la dernière fois, tu restes cloîtrée. La bête, c'est moi. On a vraiment eu du bol que le micro-onde ne fasse que t'érafler la tempe samedi dernier. Et surtout, tu ne t'inquiètes pas, c'est comme d'habitude, c'est le Stade Rennais. »

0-0
Woh put*** la compo ! Il a osé.

0-1
Chouette, Benoît fait sa faute de main annuelle. Allez, c'est pas de bol, on était plutôt bien rentré dans le match. Si Paul-Georges s'entête pas, on va revenir.

0-2
Bon, Paul-Georges s'entête, on dirait Geoffrey Jourdren.

0-3
« Oui, allô, Darty ? Oui, bonjour. Si je vous commande un micro-onde, là, tout de suite, vous pensez pouvoir me le livrer dans la demi-heure ? Le modèle ? On s'en fout du modèle ; le plus lourd que vous ayez, un vieux modèle est-allemand fera l'affaire. Tiens, maintenant que j'y pense, vous feriez pas les pianos de cuisson en fonte par hasard ? »

0-4
« Monsieur ? Réveillez-vous monsieur, c'est les pompiers ! Allô central ? On a un homme ici, en PLS, visiblement sous influence de stupéfiants. Il secoue la tête en répétant en boucle, « Je suis une libellule merveilleuse, je vole, je vole… » On va le conduire vers Guillaume-Régnier. »


Et oui, l'effet Courbis est déjà terminé. Il aura donc duré moins longtemps qu'un ado devant un selfie embué de Scarlett. Associer Gelson Fernandes et Yacouba Sylla à la récupération, on n'avait pas vu idée si brillante depuis le mec qu'avait voulu dénuder les fils de l'applique murale au-dessus de sa baignoire avec les dents.

Du côté des bonnes nouvelles (le pluriel est ici une figure de style), on notera le refus de Pedro-Henrique de rejoindre la ville en « N ». La crainte de se retrouver avec un bibelot soudé à l'oignon peut-être ? Allez savoir…
Je reconnais ne pas toujours avoir été tendre avec notre « Brésilien roux », mais ce genre de prise de positions (le joueur aurait dit « non » aux deux clubs qui s'étaient pourtant entendus sur le prêt) impose le respect. Sans être totalement naïf, et en écartant la possibilité que cette décision soit motivée par des aspects démagos, j'ai envie de dire « Merci ». Merci de rappeler que t'as quand même ton mot à dire dans l'histoire. Merci aussi de rappeler que vous n'êtes pas des veaux en crampons et que – jusqu'à preuve du contraire – vous avez votre mot à dire sur vos choix de carrière. Maintenant, P-H, tu nous enquilles les buts et on ira courir tout nu dans l'herbe en se tenant par la main.


FCN
"No comment. No fucking comment…" (http://www.fcn-museum.com/presse-panini … 7f5c73.jpg)



Et puisque l'eau coule toujours sous les ponts, voici quelques commentaires circonstanciés sur notre adversaire du soir ; celui qui joue dans des maillots de la même couleur que la pelouse, ce qui a le don de rendre notre coach vert de rage (http://tinyurl.com/z6auank); paradoxe assez cocasse s'il en est (j'aime bien le mot cocasse).

- Le président de Saint-Étienne, Patrick Romeyer (oui, bon, me souviens plus de son prénom), pose à poil (http://tinyurl.com/zzpvhdr) dans l'Equipe Magazine de la semaine, tatouage « ultra Stéphanois » sur le biceps.

Romy
"Hummm. Tu aimes les bana hommes mûrs ? "

- Pour ne pas être en reste, n'hésitez pas à venir rejoindre les 276 millions de signataires sur www.OnVeutVoirLeTatouageDeSalma.com

- Notre président à nous, n'a pas besoin de tomber la chemise pour faire bad boy ; il lui suffit de dézinguer du journaliste en conférence de presse ; on entend les mouches voler.

- Tiens bah d'ailleurs, avec Kermit dans la pièce, on n'entendra plus rien du tout.

- Non, notre René reste bien au chaud dans ses vêtements. Normal quand on sait qu'il a fait fortune dans la viennoiserie surgelée. Ceci pourrait d'ailleurs expliquer que ses deux premiers passages au club aient été des fours.

- J'ai vérifié : il s'appelle en fait Roland Romeyer, le patron des Verts. Avec un seul « L ». Le nôtre, de Rolland, il en a deux, des « L ». Si on ne décolle pas au classement, il aura pas d'excuses.

- On va faire débuter Kermit sous la pluie, face aux Verts. Si ça c'est pas un sens de l'accueil digne de l'espace animalerie d'un Jardiland.

- Toujours curieux, j'ai voulu en connaître un peu plus sur Saint-Étienne, une ville célèbre pour ses arbres pollués recouverts de sacs plastique en bordure de l'A72 (celle pour aller au ski). Alors, d'après le site de l'office du tourisme www.ultragones69.fr, les spécialités stéphanoises sont au nombre de trois :

-    L'art cubique (surtout pour peindre les buts)
-    Le mésothéliome
-    L'exode

- Le château des Ducs du Rhône, il est à Lyon ou à Saint-Étienne ?

- Ah bah non, pardon, il est à Nantes.


Allez, c'est tout pour moi.

Vive la vie.
Vive le nycthémère.
Vive le Pré des Lavandières.

Love.

K.

#24 Re: Bla bla » Présentons-nous » 03-02-2016 12:05:18

C'est ici qu'on explique comment on est tombé dans la marmite ?
Avec un peu (beaucoup) de retard, bonjour à tous.


Kireg,

Supporter Rouge et Noir depuis l'époque Delaye, Diatta, Arribagé.
Si je fus abonné au Stade pendant l'époque bénie d'Alexander Frei, les aléas de la vie m'obligèrent cependant à quitter Rennes puis à m'expatrier dans le lointain royaume de België.

Depuis, je vis les matches en version digitale, ce qui n'a en rien émoussé mon attachment au club.

En parallèle à ça, je sévis depuis plusieurs années sur les Cahiers du Foot où j'ai pu écrire quelques articles un poil acides sur nos héros en crampons.

Passionné par les sciences, le football, la culture arabe, la littérature, Nirvana et Alain Bashung, j'essaie de trouver dans ces diverses domaines un moyen de relativiser une passion stadiste qui serait sinon destructrice.

Ah, et si je devais expliquer mon rapport au foot, ça ressemblerait à ça :
http://www.cahiersdufootball.net/articl … lleur-4824

Au plaisir de vous lire,
A+

K.

#25 Re: Jour de match » [23e journée] FC Girondins de Bordeaux 4 - 0 Stade Rennais FC » 31-01-2016 16:07:25

"Sink Over It" : jeu de mots basé sur l'Angliche "Think Over It", où Sink (couler) se veut un rappel du "Mea Culpa" (coule pas)...


Je le sens mal ce match. Tout est réuni pour qu'on gagne. On va paumer.

Pied de page

[ Généré en 0.040 secondes, 7 requêtes exécutées - Utilisation de la mémoire: 1.4 MiO (Pic : 1.6 MiO) ]